Osséni Soubérou, est sociologue et un acteur culturel majeur. Il a été administrateur de plusieurs évènements culturels et festivals internationaux et se spécialise en management de la culture et du tourisme. Dans cet entretien qu’il a accordé à l’agence Dekart, il dit sa part de vérité dans l’organisation des événements culturels au Bénin. Selon ses explications, loin d’être de simples manifestations ‘’festives’’, ils constituent des occasions où la situation financière du pays se rétablit.
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Dekartcom.net : Pensez- vous que les événements culturels, les festivals apportent quelque chose à l’économie du Bénin ?
Osséni Soubérou : Sans hésiter, je réponds oui.
Parlez- nous de la manière dont la culture peut nourrir l’économie d’un pays.
Le potentiel économique des évènements culturels et des festivals est indéniable, notamment en termes de création d’emplois et de retombées financières sur d’autres secteurs d’activités (transport, hôtellerie, restauration, tourisme…). Les festivals ont deux fonctions principales: contribuer à améliorer la qualité de la vie et contribuer à la croissance économique par le tourisme. Lorsqu’il s’inscrit dans la durée, un festival a des effets positifs sur l’économie locale. Il favorise le développement du tourisme et stimule des liens entre les acteurs économiques et culturels qui gravitent autour de son organisation. Par leur exposition médiatique, ils représentent un produit touristique attractif et permettent de créer de nouveaux marchés et de faire rayonner une région.
En Afrique et au Bénin, la notion de festival désigne à la fois, un rassemblement, une rencontre, une fête, et parfois même des manifestations sans programmation artistique où se mélangent les genres et les niveaux professionnels et amateurs. Si je prends le cas de Nonvitcha à Grand-Popo, la Gani à Nikki, le Wémèwxé et d’autres évènements culturels, vous n’avez pas idée de ce qu’ils rapportent non seulement aux régions mais à toute la nation sur le plan économique. Souvent, à l’occasion de ces évènements, on conçoit un ou plusieurs pagnes spéciaux, des t-shirt et des casquettes qui sont vendus à des milliers de personnes. Les couturiers, les coiffeuses et les vendeurs de chaussures ou de sacs font de belles affaires, simplement du fait de l’organisation de ces évènements. Les entreprises comme la SOBEBRA, pour ne pas la citer, les GSM savent ce qu’on peut tirer de l’organisation de tels évènements. Je ne vous parle pas de ceux qui louent les bâches, les chaises, les couverts, les hôteliers, restaurateurs, les paysans et les artisans de ces régions ; tous tirent d’énormes bénéfices de l’organisation de ces évènements. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que ces évènements constituent de grandes opportunités pour les opérateurs économiques et les entreprises et partant pour l’économie nationale.
Prenons le Festival International de Théâtre du Bénin, le FITHEB, posez la question aux agences de voyages, aux hôteliers, aux restaurateurs, aux agences de communication et aux médias ce que cela leur rapporte, l’organisation de chaque édition. Je ne cite pas les artistes, les agences de sécurité, les entreprises d’entretien et autres. Le problème au Bénin, c’est qu’il y a très peu d’études sur ces sujets. Rassurez-vous, c’est un sujet qui me passionne de plus en plus.
Plusieurs artistes et promoteurs culturels disent qu’ils bénéficient plus du financement des institutions étrangères que de leur ministère de tutelle. Certains vont jusqu’à dire que ces dernières sont venues au secours de la culture béninoise. Etes- vous de leurs avis ?
Je ne partage pas du tout ce point de vue. L’Etat béninois reste, et de très loin, le plus grand bailleur de fonds de la culture au Bénin. Ce n’est pas parce que 3 ou 4 individus réussissent à se faire financer par des institutions étrangères, comme vous les appelez, qu’il faut se laisser à des telles déclarations. Je suis tout à fait d’accord qu’on peut faire des reproches au système de financement mis en place au niveau du ministère de la culture. Tel qu’il fonctionne aujourd’hui, le système doit être amélioré. Il faut aller à plus de transparence et redéfinir l’efficacité et l’efficience au niveau de ce système de financement, sinon il ne produira aucun résultat concret. Dans le même temps, certains artistes et promoteurs culturels ne manquent pas de formuler des critiques à l’endroit du financement des institutions étrangères. Ils sont curieux de connaitre les critères et mécanismes qui président à l’octroi de ces subventions. Ils considèrent que ce système est beaucoup plus basé sur les amitiés. Je n’en sais rien et n’en dis donc pas plus. Mais ma conviction profonde est qu’il est indécent et contreproductif d’opposer le financement des institutions étrangères à celui du ministère de la culture et plus généralement du gouvernement. Ce sont de financements complémentaires, car à la fin, c’est la culture béninoise qui doit tirer le meilleur de ces deux types de financement pour se consolider et rayonner à l’interne qu’à l’international.
Pensez- vous que l’Etat participe réellement à l’épanouissement de la culture au Bénin ?
Oui, bien sûr que l’Etat participe à l’épanouissement de la culture au Bénin. Tout d’abord, en garantissant un environnement propice à l’expression de cette culture. J’entends environnement politique, juridique, économique, et social. Tenez, la Loi n° 91-006 du 25 février 1991 portant Charte culturelle en République du Bénin fait de l’État, le principal promoteur du développement culturel et du Ministère en charge de la culture, l’organe central. Vous allez remarquer que depuis 1991, dans les gouvernements successifs, un ministère est consacré à la gestion de la culture. Plusieurs institutions, aujourd’hui incontournables prévues par la charte culturelle, ont été mises en place à l’instar de la Direction de la Promotion Artistique et Culturelle (DPAC), du Fonds d’Aide à la Culture (FAC), du Bureau Béninois des Droits d’Auteurs (BUBEDRA) et du Conseil National des Arts et de la Culture (CNAC). Maintenant dans la pratique, il y a plusieurs aspects à améliorer pour assurer un réel développement culturel au Bénin.
Votre mot de la fin
La culture béninoise est belle et riche. Nous avons tous l’obligation de la préserver, de la défendre et de la mettre en valeur, que nous soyons artistes, promoteurs culturels ou que nous occupons une position dans le système de gouvernance de la nation. Nous devons tous donner le meilleur de nous-mêmes.
Pour finir, je dirai à l’endroit des artistes et promoteurs culturels d’être plus professionnels dans l’organisation des évènements culturels et festivals. Ce sera leur contribution au développement du pays. Les subventions sont nécessaires et utiles, certes mais rien ne remplace le savoir-faire, une bonne une préparation et une organisation rigoureuse. Je regrette de le dire mais certains sont des chasseurs de subventions. Ils ne prennent pas le temps d’apprendre. Le comble, c’est que les subventions ne servent même pas à l’organisation des festivals ou des évènements mais plutôt à l’enrichissement personnel de ces artistes et promoteurs. Il me semble ce que nous devrions viser en premier.
Entretien réalisé par Esckil AGBO