Le trône de Béhanzin : La comédie musicale à 4 étages.

Dans le cadre des Nuits Artistiques et Culturelles de Cotonou (NACC), le Palais des Congrès de Cotonou a accueilli ce 22 décembre 2024, la représentation théâtrale du spectacle ‘’Le Trône de Béhanzin’’ une comédie musicale dont l’avant-première s’était déroulée le 26 juillet 2024. Produit par Amir ALI, ce spectacle est signé par le metteur en scène béninois Didier Sèdoha NASSEGANDE avec comme assistant Donatien SODEGLA et Rachelle AGBOSSOU comme chorégraphe titulaire.

Le trône de Béhanzin retrace l’histoire de roi Béhanzin : son accession au trône, sa période de gloire et le déclin de son règne. Il s’est agi pour le metteur en scène de redonner une autre version de l’histoire en s’appuyant sur les non-dits, les contre-vérités mais aussi sur les zones d’ombre et les zones d’éclair.

S’il nous était permis de nommer ce spectacle, nous l’appellerons ‘’Comédie musicale à 4 étages.’’ La première raison, ce sont les disciplines artistiques rassemblées dans cette création. Elles sont au nombre de quatre : cinéma, théâtre, chanson et danse. L’élément cinématographique concerne la vidéo du début du spectacle dans laquelle le roi Béhanzin est incarné par Tola Kokoui. Cette séquence vidéo projetée est une note explicative plantant un décor historique d’outre-terre. En effet, dans cette vidéo d’annonce, le roi Béhanzin exilé, est nostalgique du glorieux passé de son trône et raconte sa version de l’histoire à une petite fille noire. Le caractère symbolique de la séquence réside dans la superposition des instances de la suite du déroulement du spectacle car elle place le public et la petite fille dans la même position d’écoute et met le roi Béhanzin dans une position de narrateur homodiégétique.

Par la suite, la présence de l’artiste chanteur Ignace Don Métok qui incarne le roi Béhanzin sur plateau avec la chanson principale et d’autres chansons satellites portées par d’autres voix de la musique béninoise comme Sessimè et Foo Logozo. En dehors de ces morceaux chantés, il est important de notifier les chansons funèbres et festives qui ont essaimé le spectacle de temps à autre et portées par les voix des comédiens. Tout ceci confirme une présence effective du pallier chanson et musique dans ce spectacle vivant.

En matière de danse, les tableaux proposés par Rachelle AGBOSSOU complètent le mystère du spectacle dans la symbolique. Des séquences de danses contemporaines et traditionnelles à la chorégraphie militarisée des amazones où les pas sont mesurés, comptés et calculés avec minutie, l’on est à même de se poser des questions pertinentes sur la démarche artistique chorégraphique de Rachelle AGBOSSOU. L’énergie des corps, leur relâchement ainsi que la variation de la direction de leurs mouvements (durée, vitesse et flux) permettaient aux danseurs d’offrir des séquences de danse traditionnelle et moderne dont la richesse et la diversité n’étaient plus à démontrer. Plus loin, c’est la séquence de danse contemporaine offerte aux ancêtres qui, en plus d’être énergétique dans la lenteur, pose des questionnements sur le rapport entre vivants et morts, ancêtres et descendants, legs et héritages.

En ce qui concerne les comédiens, la fable de la pièce est un prétexte favorable au jeu d’acteur. Il suffit de voir la scène entre l’amazone et son époux qu’elle a congédié pour mieux se consacrer à la guerre pour s’en convaincre. L’amour et la guerre se côtoient avec malices et délices. La scène de la chanson d’amour entre l’une des reines et le Roi Béhanzin s’intègre dans la même logique de pensée et représente une mise en abyme de l’histoire. L’amour triomphe de tout, il gagne tous les combats, si le roi Béhanzin avait compris et intégré cette règle d’or, son trône et son royaume allaient peut-être survivre. « Je ne vous conduirai jamais à la mort. Mais si c’est la mort qui nous poursuit, je sais que nous l’affronterons ensemble », laisse entendre sa Majesté. Il préfère l’orgueil et la fierté à la lâcheté. Et son trône au caractère métaphorique représente l’épicentre des sentiments et des affects. Le Roi Béhanzin a tant aimé son peuple qu’il a donné son trône afin que quiconque croit à la survie du trône ne périsse point. Nous paraphrasons ce verset biblique central de la foi chrétienne pour illustrer la grandeur de l’amour dévouée au trône par le roi. La passion allumée implique une raison éteinte.

L’amour du trône est un feu dévorant, un sentiment brûlant à 4 flammes : la flamme physique, la flamme spirituelle, la flamme morale et la flamme émotionnelle. La flamme physique représentée ici par l’incendie, les coups de canons, les fusils, les lampes, les lanternes, les armes à feu et bien d’autres. La flamme spirituelle ici est invisible. Activée par le roi Béhanzin sous l’angle de la vengeance et de la lutte, elle aurait pu permettre au roi de gagner cette guerre contre les envahisseurs. Il n’avait pas écouté les prévisions de son prêtre de FA, le sage Guèdègbé qui lui annonçait l’orage à venir. Le commerce à la place de la guerre, la ruse à la place de la rage lui aurait permis de faire de la terre de ses ancêtres un paradis commercial ou une mégapole économique. L’héritage agricole laissé par le roi Guézo son grand-père lui aurait permis d’asseoir une assise financière incontournable dans la politique d’occupation du colon. Nanti d’une puissance spirituelle, il s’est engagé dans une guerre inopportune au lieu d’être stratège. La puissance de cette flamme spirituelle a dressé un boulevard à la flamme morale : l’orgueil et la flamme émotionnelle : l’amour, la passion, l’excitation, l’enthousiasme et l’agitation.

Le roi Béhanzin a fait de son amour débordant du trône un élixir populaire administré à toutes et à tous : gardes, amazones, reines et enfants, même son jeune garçon a exposé ses biceps comme l’aurait fait un fils à papa dictateur dans nos démocraties modernes. C’est une guerre inutile décidée sur un coup de tête en France comme au Bénin. Une destinée des peuples orientée sur l’humeur. Béhanzin à genoux devant l’amour du trône, l’amour du peuple. « L’amour de la guerre » des blancs et « la guerre de l’amour » de Béhanzin dans un parallélisme qui méprise les peuples, les vies et les destinées.

Paterne Djidéwou TCHAOU

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