Il était une fois la classe politique béninoise au théâtre

La pièce Kondo le Requin de Jean Pliya a été jouée, vendredi 27 mai 2016 au palais des congrès à Cotonou en présence du Chef de l’Etat, Patrice Talon, des présidents des institutions, des membres du corps diplomatique et consulaire en exercice au Bénin et d’un nombre impressionnant de personnalités politiques du pays. Retour sur la soirée.

Vendredi 27 mai 2016, palais des congrès, Cotonou. Il est 20h 12. L’équipe de Dekartcom entre dans le bâtiment de taille imposante. Sur l’estrade, elle retrouve les écrivains Florent Couao Zotti et Ousmane Alédji, en pleine discussion. Ils parlaient de quoi ? On n’en sait rien. Mais les deux auteurs étaient devant un stand de la bande dessinée réalisée par Florent Couao Zotti sur le roi Gbêhanzin.

Les envoyés de votre site se dirigent vers eux. Eeeh !, Les amis de dekartcom, s’exclame Ousmane Alédji. Echange de quelques mots de courtoisie et les quatre s’acheminent vers l’unique accès dans la salle rouge où a lieu le spectacle pour cette soirée.

« Messieurs, ouvrez votre sac, votre carte d’invitation », nous demande avec sourire aux

Me Adrien Houngbédji, Président de l’Assemblée nationale de Bénin.
Me Adrien Houngbédji, Président de l’Assemblée nationale de Bénin.

lèvres un militaire, costume noir taillé sur mesure. Les deux hommes de votre site s’exécutaient quand, Joseph Gnonlonfoun, médiateur de la République, son prédécesseur Albert Tévoèdjrè et son épouse, Robert Dossou, ancien président de la Cour constitutionnelle et Ousmane Batoko de la Cour suprême firent leur entrée. Ils y étaient tous. Chefs d’institutions, ambassadeurs en service au Bénin…

Me Adrien Houngbédji, Président de l’Assemblée nationale, ses collègues députés dont Orden Alladatin, Oswald Homeky, ministre de la jeunesse, l’ancienne Ministre Rekya Madougou, Josep Coll, Chef de la délégation de l’Union Européenne (UE) en République du Bénin… La liste est longue.

Dans la salle… le spectacle

Nous sommes désormais dans la salle rouge du palais des congrès. Pas de place réservée à qui que ce soit. Chacun prend siège dans le fauteuil qui lui semble confortable. Devant le public, une scène légère, bien ‘’scénographiée’’. Le palais avec tous ses accessoires.

Il est 21 h 04. Patrice Talon, vêtu de bohounba (tenue traditionnelle ovale) de couleur blanche, accompagné de son épouse, Claudine Talon fait son apparition dans la salle. Avec un beau sourire et un geste de main, il salue ses invités. il se dirige vers le Président de l’Assemblée nationale, Me Adrien Houngbédji, lui aussi vêtu de blanc. Accolade entre les deux hommes. Ils s’asseyent ensemble. Pas à la première loge mais dans les toutes dernières de la salle.

Les lumières s’éteignent. Peu de temps après, lentement elles se rallument.

Joseph Gnonlonfoun, médiateur de la République
Joseph Gnonlonfoun, médiateur de la République

Sur la scène, le Prince Vidaho interprété par le comédien Nicolas Houenou de Dravo, sa suite et deux hôtes français, Jean Bayol et son collaborateur, respectivement joués par Jean – Michel Coulon et David Longin, tous deux des Français.

A la place du roi Glèlè, souffrant, Vidaho reçoit les yovo dans un climat délétère. Pas question de céder à leur demande. Le lendemain, le Père trépasse, le fils, prend du coup le trône. Vidaho bénéficie d’une fastidieuse, cérémonie d’intronisation et devient Gbêhanzin : la terre tient l’œuf que le monde désire. Chants et danses d’Abomey _ houngan, un rythme royal, panégyrique et serment de fidélité au monarque ont agrémenté la cérémonie.
Mais cela est trop beau pour durer. Malgré l’avertissement des oracles à travers Guèdègbé _ le bokonon de la Cour, interprété par le sexagénaire Koffi Gaou, le monarque téméraire fonce droit au mur. Résultat, il perd plusieurs batailles et a été contraint de se rendre à Dodds. Mais avant cet ultime geste…

Le dernier discours à son peuple

Le dernier discours
Le dernier discours

Cérémonie solennelle d’adieu. Un calme de cimetière couvre toute la salle, entre- temps, occupée d’ovations et de rires. Un public profane. Car ignorant, qu’au théâtre, on n’applaudit qu’à la fin ; on éteint son portable ; on n’allume pas sa lampe torche quand les lumières s’éteignent.

Tous les regards désormais fixés sur la scène, physiquement amaigrie. Le roi, sur un tabouret, entouré de ses sujets, encore, en vie, déclare :

« Compagnons d’infortune, derniers amis fidèles, vous savez dans quelles circonstances, lorsque les Français vinrent accaparer la terre de nos aïeux, nous avons décidé de lutter.

Nos combattants s’étaient levés par milliers pour défendre le Danhomè et son Roi.

Avec fierté, l’on reconnaissait en eux la même bravoure qu’avaient manifesté les guerriers d’Agadja, de Tegbessou, de Guézo et de Glèlè. Dans toutes les batailles, j’étais à leurs côtés, et nous avions la certitude de marcher à la victoire. Cependant, malgré la justesse de notre cause et leur vaillance, nos troupes compactes furent décimées.

Et maintenant, ma voix éplorée n’éveille plus d’écho.

Où sont-elles, les ardentes amazones qu’enflammait une sainte colère ?
Où, leurs chefs indomptables : Goundémè, Yéwè, Kétungan ?
Où sont mes valeureux compagnons d’armes ?
Où, leurs robustes capitaines : Godogbé, Chachabloukou et Godjila ?
Qui chantera leurs héroïques sacrifices ? Qui dira leur générosité ?
Hardis guerriers, de votre sang vous avez scellé le pacte de la suprême fidélité.
Oserais-je me présenter devant vous si je signais le papier du général ?

Je ne veux pas qu’aux portes du pays des morts, le douanier trouve des souillures à mes pieds.

Quand je vous reverrai, je veux que mon ventre s’ouvre à la joie.

C’est pourquoi à mon destin je ne tournerai plus le dos. Je ferai face et je marcherai. Car la plus belle victoire ne se remporte pas sur une armée ennemie ou des adversaires condamnés au silence du cachot. Est vraiment victorieux, l’homme resté seul, qui continue de lutter dans son cœur.

A présent, qui suis-je pour que ma disparition soit une lacune sur la terre ?
Qui suis-je pour que ma disparition soit une lacune sur la terre ?
Advienne de moi ce qu’il plaira à Dieu !

Partez ! Vous aussi, derniers amis vivants.

Rejoignez Abomey où les nouveaux maîtres promettent douce alliance, vie sauve et, paraît-il, la liberté.

Là-bas, on dit que déjà renaît la joie.

Là-bas, on prétend que les blancs vous seront favorables comme la pluie qui drape les flamboyants de velours rouge, ou le soleil qui dore la barbe soyeuse des épis.

Compagnons disparus, héros inconnus d’une tragique épopée, voici l’offrande du souvenir, un peu d’huile, un peu de farine et du sang de taureau.

Voici le pacte renouvelé avant le grand départ.

Adieu, soldats, adieu ! »

Sur ce, les lumières s’éteignent, de nouveau… le rideau tombe. S’en est suivi un tonnerre d’applaudissement du public.

Esckil AGBO