Sophie Adonon : « Il est illusoire de se sentir en vacances quand on est romancier »

Plume d’or 2013 au Bénin, et ” Meilleure Parution de la Diaspora béninoise en 2013, Sophie Adonon est l’élue du mois de décembre 2015 dans le groupe « Acteurs Culturels Béninois de la Diaspora ». Romancière prolifique, elle vit depuis une trentaine d’années en France où elle travaille quotidiennement pour la promotion et la défense de l’identité culturelle de son pays d’origine : le Bénin.

L’interview ci-après, en dit long sur ses activités aux pays des Blancs.

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Dekartcom: Vous êtes écrivaine béninoise et vous vivez depuis une trentaine d’années en France. Comment organisez- vous votre quotidien en tant qu’écrivaine ?
Sophie Adonon : La journée d’un écrivain(e) ne ressemble à aucune autre. Si je prends pour référence mon cas personnel (sans en faire une généralité), il m’arrive souvent de me lever la nuit, à 03 h afin de profiter du calme de ma demeure pour une meilleure écriture. À 7 h, suite à une bonne douche, ma journée débute. En fonction de l’inspiration, je peux dormir deux à trois heures par nuit ou pas du tout. Mais, je ne m’en plains pas, c’est mon bonheur à moi de me consacrer pendant une période déterminée à mes personnages. Heureusement, je m’accorde un temps de répit lorsque je viens à bout d’un opus, quoiqu’une œuvre puisse en cacher une autre.

Il est illusoire de se sentir en vacances quand on est romancier(ère) puisqu’on est toujours en création. Une intrigue peut surgir à n’importe quel moment, alors même qu’on est déjà en train de plancher sur un manuscrit.

Malgré la grande distance entre le Bénin et la France, vous restez sensible à l’actualité de votre pays, notamment celle littéraire. En témoigne votre récente participation au Salon du Livre du Bénin. Dites – nous vos impressions sur la tenue de cet événement.
Ce fut avec un réel enthousiasme que j’ai vécu mon premier Salon du Livre de Cotonou du 4 au 10 octobre 2015. Cependant, ma grande euphorie de romancière fut tempérée par le peu d’engouement montré par mes concitoyens à un événement de cette envergure. J’ai fini par apprendre que l’organisatrice du Salon, la Directrice du Livre du Bénin, Anne-Marie Odounharo- Hounougan n’avait pas obtenu l’appui pécuniaire idoine pour donner à cette semaine littéraire un caractère national. Sans publicité, la plupart des Béninois (hormis ceux qui s’intéressent vraiment à la littérature) ignoraient tout de son cours.

Vos souhaits par rapport à cette initiative
Sans un certain dépit et émoi, j’ai réalisé que le Livre était le parent pauvre de la Culture béninoise. Cette évidence m’a quelque peu bouleversée. Empreinte de mon amour patriotique et littéraire, j’en appelle aux décideurs (en tête desquels, le Ministre de la culture) de prendre ce sujet à bras-le-corps pour fédérer les populations aux prochaines éditions, et dans un cadre digne de ce nom.

Sophie Adonon, nous avons appris que l’un de vos romans aurait été sélectionné par le collège des Inspecteurs de français de l’enseignement secondaire dans la nouvelle liste des œuvres au programme d’étude dans les lycées et collèges. Confirmez- vous cela ?
L’écho de cette merveilleuse reconnaissance m’est parvenue, justement grâce aux élèves-professeurs de l’ENS ( École Nationale Supérieure) de Porto-Novo qui ont eu accès à ladite liste. Évidemment, j’ai tout mis en œuvre pour connaître le fin mot de l’histoire, mais je n’ai aucun document officiel pour me confirmer cette information. Il s’agit de mon roman ” Pour une poignée de gombos ” : Plume d’or 2013 au Bénin, et ” Meilleure Parution de la Diaspora béninoise 2013. C’est un ouvrage qui est déjà étudié dans de nombreux établissements au Bénin, en classe de Seconde.

Sans la publication de la liste des manuels scolaires, pour l’heure, je réserve ma joie.

Quel est le sort de la fameuse liste puisqu’elle devrait être mise en vigueur à la rentrée scolaire 2014-2015 ; ce qui n’a pas été le cas ?
L’attente est terrible. La fameuse liste n’est toujours pas publiée…
Toutefois, je profite de l’occasion pour exprimer par anticipation ma profonde gratitude aux inspecteurs de français, à son Excellence, le Ministre de l’enseignement secondaire, Alassane Soumanou Djemba, ainsi qu’à son Excellence le Docteur Yayi Boni. Je m’en remets à eux pour que parvienne bientôt la bonne nouvelle. Je leur fais confiance car si le collège des Inspecteurs de français de l’enseignement secondaire ont jugé bon d’établir une nouvelle liste des œuvres au programme d’étude dans les lycées et collèges, c’est que cela s’avère nécessaire.

En France où vous vivez, les livres béninois sont- ils lus ?
Les livres béninois édités au Bénin sont inaccessibles en France. Les Maisons d’éditions béninoises doivent se rapprocher des distributeurs internationaux à cet effet, comme les Éditions Khartala. Les quelques rares livres béninois qui sont lus en France, y sont soit, édités, soit les auteurs béninois vendent leurs romans directement aux Français lors des dédicaces ou Salons littéraires. Il faut qu’il y ait une politique de distribution à l’échelle mondiale entre les éditeurs béninois et ceux d’ailleurs.

Dites – nous comment vous faites la promotion de la culture béninoise en France.
Fréquemment, je profite des semaines culturelles dédiées à l’Afrique pour vanter ma culture à travers notre art culinaire, notre histoire, notre sociologie et bien sûr, mes livres qui parlent d’eux- mêmes.

Entre parenthèses, je représenterai le Bénin, en compagnie de notre cher Florent Couao-Zotti à la semaine culturelle de la Francophonie où le Bénin sera à l’honneur, à Abbeville (France le 19 et 20 mars 2016). N’est-ce pas une manière de promouvoir la culture béninoise ?

Qu’est ce que vous avez souhaité dire que nous n’avons pas évoqué ?
Premièrement, une nouvelle édition de ” Pour une poignée de gombos ” paraîtra courant 2016 avec une Maison d’éditions béninoise, et pas les moindres. Ce sera la même version stricto sensu que la première édition.

Deuxièmement, je devais rééditer ma série policière au Bénin afin d’en rendre le prix accessible aux Africains en général, et aux Béninois en particulier. Malheureusement, la Maison d’éditions a eu des empêchements et ce projet n’a pu se concrétiser. Pourvu que cet espoir ne reste pas vain ! J’envisage de la proposer à une autre Maison d’éditions du pays.

C’est dommage que mes compatriotes soient privés de mes romans à cause de son prix exorbitant. C’est le cas de ceux parus en France. Je fais de mon mieux car j’ai déjà soldé ces livres à hauteur de 50 % ; je les vends donc à perte. Autant les rééditer sur place, tout le monde y trouvera son compte. La cinquième enquête de mon commissaire, Lionel Aza est déjà prête et elle est inédite.

Troisième et dernier point : que les Élections présidentielles 2016 se déroulent dans la paix. Chacun doit y mettre du sien.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer.

Esckil Cader AGBO, dekartcom _ janvier 2016