Le guèlèdè, patrimoine oral immatériel, mondial de l’Unesco depuis le 18 mai 2001 est un masque très prisé en milieu yoruba, tchabè et nago au Bénin. Il attire l’attention de tous, par ses belles parades lors de différents événements organisés dans le pays. Le guèlèdè, un masque, oui. Mais est- ce une divinité ? C’est sur ce sujet que s’est essentiellement préoccupé le groupe Art Challenge Développement (ACD) dans le sixième numéro du magazine Vendredi des Patrimoines et du Tourisme. Compte- rendu…
« Le guèlèdè n’est pas un dieu. Il n’est pas adoré comme un dieu. Il est plutôt admiré, célébré, vécu et enseigné. Ce n’est pas une divinité parce qu’il n’est pas adoré comme par exemple le egungun. » Ces propos sont du Maire de Savè, Thimothée Biaou. Pour l’autorité communale, on ne peut pas aller demander un enfant au guèlèdè comme on le fait pour des divinités telles que dan (le serpent), sakpata (dieu de la terre).

« Il n’est pas un dieu mais il n’en est pas loin », vient nuancer Félicien Chaffa, Directeur du Festival International de Guèlèdè de Savè (FIG_Savè). Selon ce dernier, grâce au guèlèdè, l’Homme peut remonter à ses difficultés via des chants et danses… des louanges. C’est peut – être pour cela que le Maire Biaou estime que « le guèlèdè instaure la paix, les retrouvailles, la joie, la cohésion au sein de la société ».
A l’opposé de ces deux, le jeune promoteur culturel, Jacob Abiodoun martèle : « le guèlèdè est un dieu. Malheureusement et heureusement cet aspect est en train d’être abandonné. Ceux qui persistent dans le cultuel réussissent à sauvegarder son identité et son originalité. Ceux qui l’ont abandonné présentent le guèlèdè comme un égungun (accoutrements démodés), ils ont réduit le guèlèdè en un épouvantail spectaculaire.
Pour les enfants, yoruba, nago et tchabè, ce masque est très représentatif. « Nous sommes né dans le guèlèdè. C’est notre patrimoine et nous travaillons tous les jours pour le conserver pour d’autres générations », lance un cinquantenaire, bien barbu, natif de Kétou, la localité, origine du guèlèdè.
L’histoire raconte que le début de ce masque dans l’ancien Dahomey remonte au 18ème siècle par le royaume de Kétou dont l’adresse et l’aisance de ses sculpteurs épatent plus d’un. Il (guèlèdè) se révèle tel un culte dédié à la femme – mère qui, dans la culture yoruba est une vénérable puissance. A cet effet, plusieurs documents scientifiques confèrent au guèlèdè la connotation de masque ou ‘’ société’’ secret et mythique. D’où des interrogations sur son caractère divin ou non.
Le guèlèdè hier, aujourd’hui et demain
Le guèlèdè, d’il y a cinquante ans n’est pas la même chose aujourd’hui. Il subira sans doute d’autres mutations dans le futur quand bien même ses ‘’gardiens’’ travaillent quotidiennement pour sa conservation.

Pour le chef de l’hôtel de ville de Savè, Thimothée Biaou, deux raisons fondamentales peuvent expliquer ces transformations. « La première est la perte de certains éléments lors des transmissions de génération en génération. On n’est pas sûr que tout ce qu’on transmet aux nouvelles générations est bien assimilé ». Il s’agit donc des limites de la tradition orale. La deuxième raison, poursuit le Maire est la scolarisation des filles et fils du terroir. « Poursuivant leurs études, les jeunes enfants sont obligés de quitter la source pour ne revenir qu’à des occasions exceptionnelles », détaille M. Biaou.
Cependant, rassure Félicien Chaffa, à Savè comme dans les autres localités où se pratique le masque, il existe plusieurs troupes de guèlèdè qui œuvrent non seulement pour une relève de qualité mais aussi et surtout pour la sauvegarde de ce patrimoine mondial. « A savè – centre, chaque quartier a sa troupe et la commune, elle – même a une troupe qui est la fusion de celles des quartiers. Le groupe de la commune est appelé ‘’Troupe Unesco’’. »
En clair les héritiers directs du guèlèdè à Savè comme à Kétou s’adonnent à toute activité relative à la conservation et à la transmission de ce patrimoine oral immatériel. Mais il y a encore du chemin…
Un festival international pour promouvoir le guèlèdè
En dehors des petits événements festifs, familiaux organisés ça et là pour la pérennité de la danse guèlèdè, il est créé depuis deux ans au Bénin une manifestation d’envergure internationale centrée sur le guèlèdè. C’est le Festival International de Guèlèdè de Savè (FIG_Savè). La deuxième édition se déroulera, selon les mots de son directeur, M. Félicien Chaffa du 20 au 30 septembre 2016.
C’est un événement à doubles aspects : scientifique et festif dont l’objectif est de mobiliser chaque année un impressionnant nombre de personnes du monde entier vers ce patrimoine dont la richesse est intarissable. C’est aussi un creuset d’échange entre gestionnaires de patrimoines, enseignants- chercheurs, artistes et étudiants en histoire d’arts et autres, ceci à travers des colloques et tables rondes.
Le FIG_ Savè œuvre pour la sauvegarde, la conservation et la promotion du guèlèdè, conclut son directeur.
Esckil AGBO
A LIRE
Prochains numéros du Vendredi des Patrimoines et du Tourisme
– 7ème numéro : Unesco_ Maison Internationale de Guèlèdè : Savè, le Musée se meurt
– 8ème numéro : Bénin_ Patrimoines : Un tour chez un costumier de guèlèdè

à Cotonou Lobozounkpa, Torri