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Souvenir de l’esclavage et de son abolition : L’ultime rituel vodoun du 14 août 1791

Cérémonie vodoun en Haïti. Crédit Photo / AFP

14 août 1791, nuit. Dutty Boukman réunit un parterre d’esclaves à Bois Caïman (Haïti) pour une cérémonie vodoun. L’ultime rituel pour la libération des peuples noirs sous domination. C’est un sursaut de révolte qui a engagé hommes, femmes, jeunes et vieux contre l’oppression des Africains. Bienvenus dans votre magazine Vendredi des Patrimoines et du Tourisme, acte 32.

C’est dans la nuit du 22 au 23 août 1971 à Saint Domingue, actuel Haïti, qu’a eu lieu le premier grand soulèvement des esclaves contre leurs maîtres. Une semaine plus tôt, ils étaient en conclave poltico- religieux sous la direction de Dutty Boukman, un des leurs, un houngan, c’est – à – dire un prêtre vodoun.

Ce 14 août, nuit il rassemble un nombre important d’esclaves pour la commémoration du culte- vodoun qui les libérera du joug de leurs maîtres. Le rituel a été dirigé par la prêtresse Mambo. Des sources nous renseignent qu’à cette occasion, « un cochon noir a été sacrifié, son sang bu par tous les esclaves présents à la cérémonie ». Devenus ainsi invulnérables par cet acte, ils se sont dits aguerris pour le soulèvement général. Ce que Dutty Boukman n’a pas hésité à ordonner.

Dans la nuit du 22 août, ils ont déclenché la guerre contre l’exploitation des peuples noirs. Ils tuèrent leurs maîtres ainsi que les membres de leurs familles. Ils incendièrent leurs habitations. L’affrontement a duré environ dix jours avec un bilan lourd.

Il y a eu plus de 1000 morts du côté des Blancs ; près de 1500 caféières et autres ont été réduits en cendre. Les bourreaux des Noirs, prenant au sérieux la révolution des esclaves ont ficelé des stratégies de ripostes. Nonobstant cela, les ‘’insurgés’’ n’ont pas reculé même après le trépas de leur commandant – en chef, Dutty Boukman.

Ce dernier eut plusieurs successeurs à la tête de la troupe des Noirs. Le dernier est Toussaint Louverture, celui dont le nom est collé à la révolution haïtienne.

En clair, avant le décret Victor Schœlcher portant abolition de la traite négrière en avril 1848, Les Noirs avaient bien engagé le processus devant aboutir à leur indépendance. Une libération obtenue au prix d’une lutte sans merci. Leur vodoun en est le catalyseur.

L’Unesco a pris ses responsabilités

logo UNESCO

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« Le courage des Hommes arrachés à l’Afrique nous impose des devoirs. L’UNESCO célèbre la Journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition afin de rendre hommage à tous ces combattants de la liberté, et perpétuer en leur nom l’enseignement de cette histoire et les valeurs qu’elle porte. L’aboutissement de ce combat, mené par les esclaves eux-mêmes, est une source inépuisable d’inspiration pour lutter aujourd’hui contre toutes les formes de servitude, le racisme, les préjugés, les discriminations raciales et les injustices sociales hérités de l’esclavage ».

Il s’agit – là d’un extrait du message de la Directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova à l’occasion de la Journée Internationale du Souvenir et de la traite négrière et de son abolition, édition 2016. Ces propos indiquent les motivations qui sont à la base de l’institutionnalisation de cette journée. Loin d’être une aubaine pour remuer un mauvais souvenir, le 23 août de chaque année est dédié à la célébration du courage, de la liberté fièrement conquise. C’est également un rendez- vous d’hommage aux braves hommes et femmes noirs, témoins/victimes du commerce triangulaire.

Le Professeur Nouréini Tidjani- Serpos, ancien sous- directeur général de l’Unesco explique que « les écoles du monde entier, conformément à la résolution 4029 c de la conférence générale de l’Unesco doivent célébrer cette journée en organisant des défilés, des représentations théâtrales, des expositions sur le thème des droits de l’homme et rappelé les formes modernes d’esclavage »

Il rappelle que dans tous les Etats, il était prévu que les programmes scolaires devaient être revus de sorte que les élèves puissent avoir une part de cette institutionnalisation de la mémoire.

Désormais un événement d’envergure à Ouidah

La porte du non retour, Ouidah-Bénin

La porte du non retour, Ouidah-Bénin. Photo/V

C’est en 2014, selon nos recoupements que le Bénin a organisé pour la première fois cette journée. Et ce grâce à la volonté et à l’engagement des membres de L’Union Générale pour le Développement de Ouidah (UGDO). Qu’il vous souvienne que c’est la ville de Ouidah qui a abrité en 1994 le lancement du Projet Route des Esclaves.

La manifestation de 2014 a connu la participation de plusieurs descendants afro- français, brésiliens et américains. Elle s’est tenue à Ouidah.

Cependant, il est constaté que les autorités béninoises n’expriment pas encore de grand intérêt pour cette célébration. Elle est parfois réduite en une organisation entre cadres de l’ex ministère de la culture, de l’artisanat, de l’alphabétisation et du tourisme.

Le mépris par rapport à cette ‘’fête’’ prend de plus en plus de l’ampleur. Pour preuve, en 2016, cette commémoration a été simplement annulée par les responsables du ministère du tourisme et de la culture, et ce, à deux semaines du 23 août.

Remonté, l’ancien sous- directeur général de l’Unesco n’a pas marchandé ses mots à l’endroit des dirigeants béninois.

Professeur Nouréini Tidjani- Serpos : « Mais bizarrement le Bénin, qui non seulement a, avec Haïti lancé, l’idée de la résolution de l’esclave se perd. Il n’y a rien. Strictement rien. Aucun programme scolaire n’a été fait. Il y a comme une amnésie historique. J’en appelle au Chef de l’Etat, au Président de la république. Il est très important que cette journée internationale de la traite négrière et de son abolition soit une journée fondamentale pour nous. Tout le monde sait la part que le Bénin a eu à prendre dans la traite négrière. Tout le monde sait l’effort énorme qui a été fait par le régime du président Soglo pour institutionnaliser cette mémoire avec la route de l’esclave à Ouidah. Mais aujourd’hui, c’est un silence qui nous questionne, qui nous pose énormément de problèmes. Au niveau des ministères de l’enseignement, il y a un silence mortel. Et c’est absolument incompréhensible qu’une journée aussi importante pour notre mémoire puisse passer sans que personne ne réagisse. Pourquoi, ce silence mortel. Pourquoi, il n’y a pas d’activités culturelles partout ? Pourquoi, dans nos écoles, on n’a pas préparé cette journée- là ? Pourquoi, on n’a pas mis à disposition les moyens pour la célébration de cette journée. Il faut qu’on nous dise que cette journée est incontournable dans notre pays. Je crois que le chef de l’Etat a une responsabilité personnelle. Il faut que le chef de l’Etat fasse quelque chose. Nous ne devons pas jouer avec notre passé. Nous pouvons encore rattraper le retard ».

En réponse à ce cri de cœur du Professeur, l’UGDO, apprend-t-on s’est résolument engagé pour l’organisation annuelle de cette journée dans la cité des Kpassè.

Pour 2017, cette association a prévu plusieurs activités qui couvriront les 22 et 23 août. On peut citer entre autres un mini- colloque scientifique qui réunira artistes, historiens, sociologues, étudiants et journalistes culturels, une exposition- photos et une cérémonie officielle qui aura pour cadre la Porte du Non Retour.

Esckil AGBO, @Dekartcom.net/ août 2017

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