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Réflexion _ Codjovi Tossou : Mes 10 prescriptions pour une révolution culturelle locale au Bénin

Entrepreneur culturel | Communicateur | Fondateur de MISS BENIN France Europe

La politique centrale du Bénin peine à amorcer un réel développement culturel pourvoyeur d’emplois et de débouchés économiques. Au niveau local rien de concret et de réaliste n’est souvent envisagé dans les stratégies de gouvernance locale. La grande majorité des 77 communes du Bénin ne dispose ni de programme, ni de plan d’éducation artistique. Les espaces publics de création et de diffusion des arts et de la culture n’existent quasiment pas, en dehors de quelques-uns dans les grandes agglomérations. Ces espaces sont pourtant le levier de l’accès pour tous à la culture, un droit souverain pour tout citoyen du Bénin.

Pour parvenir à résoudre ce problème crucial dans notre pays, les gouvernements devront établir entre l’État et les collectivités locales des liens contractuels visant à doter le pays d’un maillage culturel mieux coordonné et plus efficient.

Les prescriptions ci-dessous ne sont pas exhaustives et n’ont pas la prétention d’apporter une solution unique aux problèmes de développement culturel local. Par ailleurs, elles peuvent se confronter à certaines réalités socio-économiques selon les collectivités locales. Néanmoins, il s’agit de prescriptions adaptables et applicables sur toute l’étendue du territoire béninois.

Je me propose pour apporter mon expertise et accompagner les élus locaux des collectivitésdésireuses d’appliquer ces prescriptions, tant pour l’élaboration des projets que pour la recherche de financement.

PROPOSITION I – Espaces d’accès à la culture
Une gouvernance culturelle locale efficiente passe nécessairement par l’accès pour tous à la culture. L’absence d’espaces d’accès à la culture fait une entaille à la démocratie de manière générale et particulièrement à la démocratie culturelle.

Les politiques de développement local doivent absolument garantir au citoyen la jouissance du droit d’avoir une éducation et des connaissances et par conséquent son droit d’accès à la culture. C’est pour cela que je propose pour nos communes, entre autres espaces d’accès à la culture :

Un HÔTEL DE CULTURE
Les hôtels de culture sont une sorte de complexe incluant une salle de cinéma, une bibliothèque, une salle municipale de concert, etc. ;

Un MUSEE
Les écomusées par exemple peuvent constituer un véritable lieu d’histoire condensée de nos régions et de leur culture…avec des animations et des activités pour toutes les générations.

Bien évidemment, l’on peut développer des activités économiques autour de chacun de ces espaces..

PROPOSITION II –Espaces de création et d’apprentissages artistiques
Les jeunes enfants et les jeunes adultes de nos collectivités locales ne disposent pas de lieux appropriés pour l’apprentissage, la création et l’éducation artistiques : pas de conservatoires, pas de centres de formation artistique, pas d’espaces publics de création artistique, etc. La mise en place d’infrastructures accueillant des jeunes en quête d’apprentissage et/ou de création artistiques s’impose pour une éducation artistique et culturelle efficiente au Bénin. Je recommande donc aux collectivités locales et à l’Etat d’installer :

Un CONSERVATOIRE
Les conservatoires sont des lieux par excellence pour assurer « le maintien des traditions, des savoirs, des savoir-faire et à en promouvoir l’enseignement ». Un conservatoire par département serait le départ d’une vraie révolution culturelle dans notre pays ;

• Une MAISONS DES RESIDENCES D’ARTISTES
La Maison des résidences sont des lieux dédiées à la résidence de création artistique dans nos collectivités locales. Si certaines personnes s’offusquent du niveau parfois médiocre de nos artistes et donc de leur manque de compétitivité sur le marché international, c’est bien parce que rien de tel n’existe pour les soutenir dans leur création.

PROPOSITION III – La Communauté d’actions culturelles
Cette prescription répond à un besoin de synergie des ressources en vue d’une mutualisation pour la mise en œuvre des actions et infrastructures dédiées aux arts et à la culture. C’est une sorte d’« intercommunalité culturelle » qui devrait être extrêmement bénéfique aux collectivités locales, ceci à deux égards : premièrement, la mobilisation du financement pour la mise en œuvre des infrastructures culturelles se fera conjointement par plusieurs collectivités locales ; dernièrement, ces infrastructures ainsi que les retombés qui peuvent en découler profiteront aux populations des communes ayant adhéré à ce principe de fédération. Cela permettra de renforcer certainement la politique du « vivre ensemble » et le tissu économique au sein des collectivités.

PROPOSITION IV– Club Culturel Municipal
Le CLUB CULTUREL MUNICIPALest un organisme municipal de détection et de promotion des talents artistiques de nos villes. Il peut constituer une force de proposition pour la gouvernance locale et permettre d’impliquer directement les acteurs et les jeunes citoyens dans la stratégie de développement culturel local. Il peut s’agir d’associations de professionnels dont le fonctionnement répondrait à des termes de références préalablement définis avec les élus locaux et les populations.

PROPOSITION V – Coopération Culturelle Décentralisée
Lors de la réalisation de mon mémoire de Master en développement culturel j’avais pris le risque de faire le parallèle entre Décentralisation et Coopération Culturelle, en analysant les stratégies de quelques acteurs culturels français à travers une enquête au cœur même de l’action, pour optimiser les coopérations culturelles à l’étranger dans une optique de réciprocité et de pérennité. Plusieurscollectivités locales béninoises ont des liens de coopération décentralisée avec d’autres en Afrique et en Europe. La coopération culturelle est d’une part un excellent moyen d’exportation de notre culture vers ces pays dont les citoyens sont à la recherche d’exotisme, d’originalité artistique et d’œuvres qui déclenchent de saines émotions. Par ailleurs, la coopération culturelle est un outil de mise en réseau des acteurs d’horizons divers et variés.

PROPOSITION VI – Encadrement des associations culturelles
« L’engagement associatif culturel » continue d’être pour beaucoup de jeunes au Bénin un moyen pour joindre les deux bouts et non une action citoyenne à travers laquelle ils s’affirment en patriotes. Nous savons très bien que les collectivités locales ne sont pas en capacité de résoudre tous les problèmes. Leurs actions doivent être complétées par des initiatives qualitatives des associations. Afin de redorer le blason de l’engagement associatif, il faut un encadrement nonpoliticien des organisations régulièrement formées et agissant dans le secteur culturel. Le but étant d’arriver à leur déléguer certains « pouvoirs » dans la réalisation de certains projets artistiques et culturels d’envergure.

PROPOSITION VII – Tourisme local
La plupart des projets touristiques des communes du Bénin sont orientés vers une cible internationale. Ainsi, un enfant peut naître, vivre et grandir dans un territoire sans en connaître ni la flore, ni la faune, etc. La promotion du tourisme local consistera à élaborer des projets de valorisation locale (aménagement de circuits, de visites ou d’infrastructures de loisirs, mise en valeur de sites existants, etc.) afin d’augmenter l’attractivité et les flux touristiques de nos collectivités territoriales.

Certaines communes du Bénin disposent déjà de magnifiques offres touristiques naturellement. Il faudra alors mettre en place un plan dynamique adapté à leur valorisation.

PROPOSITION VIII – Immersion linguistique intercommunale
J’ai eu la chance de vivre dans plusieurs régions du Bénin, ce qui m’a permis de ne pas rester figé sur mon Adja maternel. Aujourd’hui je peux fièrement parler le Goun, le Fon, etc. Mais nos jeunesenfants devront-ils nécessairement déménager et vivre à Parakou avant de savoir parler le Dendi ? Je pense que non ! Une immersion sera la meilleure option pour permettre à nos jeunes enfants d’acquérir une réelle pratique de ce que j’appelle la langue seconde, la langue nationale qui seconderait leur langue maternelle. Même s’il n’est pas rare de rencontrer des compatriotes de la diaspora ou de l’intérieur qui parlent couramment quatre à cinq langues nationales y compris la leur propre. Ce sera aussi un moyen efficace de sauvegarde de certaines langues maternelles menacées de disparition au profit du Français.

Sauf erreur de chiffre (à vérifier), le Bénin compte environ 52 intentions de langues dont certaines sont plus importantes, rapportées à la démographie du Bénin. Il y a donc une absolue urgence culturelle à les valoriser sans plus attendre.

PROPOSITION IX – Espaces culturels intergénérationnels
Au Bénin, les personnes (âgées donc a priori imprégnées de sagesse) du troisième âge sont absentes dans les politiques culturelles, ni en tant que facteurs ni en tant qu’acteurs. Cela ne fait pas forcément du bien pour ce que j’appelle l’héritage artistique et culturel. Les conséquences de ce fait sont très visibles et considérables. Les espaces culturels intergénérationnels sont un lieu de croisement, d’échanges, de partages d’expériences, de pratiques et d’apprentissage des arts et de la culture entre les générations. Ceci permettra par ailleurs de sauvegarder nos patrimoines artistiques, linguistiques, historiques, etc.
PROPOSITION X – Manifestations culturelles identitaires
L’association culture et identité dans les collectivités locales béninoises permettra de créer une dynamique socioculturelle à travers laquelle l’acteur social individuel ou collectif, exprime son appartenance et donne sens à son être passé, présent et à venir. La fête de l’igname, le Wémèxwé, la fête de la Gani, etc. sont des exemples de manifestations culturelles identitaires déjà existantes (à faire évoluer). Il peut s’agir de festivals ou de fêtes culturelles annuelles.

Copyright – ©Codjovi Tossou – 2016 Tous droits réservés
Tél. : +(33) 625803473 – tcodjovi@gmail.com
NB : Un document plus élaboré et plus détaillé est disponible incluant quelques éléments et pistes pour l’application des 10 prescriptions.

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