De l’histoire d’une jeune fille, la seule, d’ailleurs, d’une famille de cinq garçons, Carmen Toudonou, dans Presqu’une vie paru aux Editions Plumes Soleil, en juillet 2014, à Cotonou, son premier roman, semble venir au secours de la gent dont elle fait partie. Dans ce livre de 201 pages, subdivisé en neuf chapitres et postfacé par l’écrivain Apollinaire Agbazahou, l’héroïne qui est même temps la narratrice a passé en revue sa vie d’enfance jusqu’à l’âge adulte. Une enfance comme toute autre mais empreinte à la « haine » de la tradition, au poids des règles coutumières sur la femme. Sourou, son père ne lui exprime aucun sentiment de fierté. Même, le jour où il a appris son succès au Certificat d’Etude Primaire (CEP). « A l’annonce de mon succès, il ne m’avait pourtant rien dit ». « Pas même une félicitation », a-t-elle raconté à la page 47. Heureux d’être le père de cinq garçons après quatre gestes de son épouse, Sourou ne s’est pas montré anxieux de la présence d’au moins un enfant de sexe opposé au sien dans sa concession. Seule, Yèyimin, sa conjointe en avait le souci. On peut lire à la page 27 : « maman désespérait de mettre au monde une fille… Quelle femme ne rêve du jour béni où elle marierait sa fille. Toute cette fierté, … cette superbe que confère la journée de la dot de sa propre fille, Yèyimin rêvait toutes ces félicités. » La jeune romancière béninoise, à travers son ouvrage, a ainsi dévoilé la basse place qu’occupe la femme dans la société. Elle l’a fait en extériorisant, principalement, via les caractères de son personnage Sourou, la suprématie de l’homme sur la femme. Carmen Toudonou, dans ce roman, a également dénoncé comment, dans la société traditionnelle, la femme était ou du moins est réduite aux travaux champêtres, aux activités conjugales. « … au réveil, je voyais toujours Yèyimin debout », dit la narratrice à la page 33. Cette citation montre que c’est celle-ci qui est la dernière à aller au lit et la première à s’y extirper. Et si une jeune écrivaine du XXIème siècle évoque ce problème, maintes fois dénoncé par les premières romancières africaines dont Mariama Bâ avec Une si longue lettre, publié en 1979, c’est une évidence que l’exploitation, la chosification de la femme persiste. La femme continue d’être la proie facile de l’homme. Presqu’une vie apparait donc comme une tribune où sont exposés les maux qui minent et continuent d’handicaper l’épanouissement de la gent féminine. Ceci à cause du pouvoir du sexe masculin.
Mais au-delà du caractère de dénonciation, le roman a aussi exhibé la force intellectuelle de la femme. Au sein des enfants de Sourou, l’héroïne est la seule à franchir les portes du Cours secondaire. Donc, le seul enfant à évoluer dans les études. Par ce fait raconté dans le livre, Carmen Toudonou montre, tout en restant collée à sa tradition, que l’instruction, dans le continent, berceau de l’humanité, n’est pas une particularité des garçons. Noms de personnages, de villages, de divinités et autres écrits dans plusieurs langues nationales du Bénin ont occupé cet ouvrage dont le récit affiche au lecteur les vraies couleurs de la vie au village. Le lire est donc un retour au bercail.
Esckil AGBO