« Je chante Gbodja- Sagbo dans les rues de Douala ». Ils font marrer, ces propos. C’est normal puisqu’ils viennent d’un humoriste. Loulou Lokossou. C’est un Béninois mais il vit depuis quelques années au Cameroun. Artiste du mois d’août 2015 dans le groupe Acteurs Culturels Béninois de la Diaspora, il décline son identité, ses activités à travers cette interview qu’il a accordée à dekartcom.
Entretien
Dekartcom : Loulou Lokossou, c’est qui ?
Loulou Lokossou : D’abord merci à l’agence DEKart et à vous pour tout ce que vous faites pour la promotion des artistes béninois, en l’occurrence à moi Loulou, petit saltimbanque que je suis. . . (rire). Alors, mon vrai nom est Jean-Louis Sossa LOKOSSOU. Mes parents sont originaires du Mono et m’ont fabriqué un mois d’Octobre à Port-Bouet (Rci)
Vous êtes artiste- comédien, humoriste, dites- nous comment vous êtes venu à cette discipline culturelle ?
Quand j’étais encore avec les parents, théâtre égale séance de lecture pour eux. Du coup, c’était le moyen le plus facile de sortir de la maison. Après grâce à mon prof de français au Collège qui me confiait des rôles drôles, j’ai pris goût à cela et petit à petit, je me suis retrouvé en 2001 dans la troupe professionnelle « Les très Fâchés du Bénin »où j’ai été accueilli par des aînés sympas qui m’ont fait confiance et m’ont fait découvrir les plaisirs et les soucis des planches.
Ensuite, comme la plupart des artistes béninois, j’ai vagabondé dans plusieurs autres compagnies ou troupes telles que Le ballet Kini-kini, Ori théâtre, les interprètes du silence, l’atelier Nomade de Zogbo. . . Et pour couronner ce parcours de comédien chercheur, j’ai créé en 2005 avec mes deux compagnons de lutte le groupe « Les super Zouaves ».
Chemin faisant, vous avez choisi d’évoluer dans la pratique clownesque, pourquoi ce choix ?
Je ne dirai pas que j’ai choisi uniquement d’évoluer dans la clownerie car je continue toujours de jouer dans des créations théâtrales ou musicales. Mais j’avoue que je consacre plus mon temps à mes spectacles de clown car cela me procure beaucoup plus de plaisir. Je vous confie sincèrement que cet art me permet de garder les valeurs humaines que beaucoup d’artistes perdent à cause de leur égoïsme parfois méchant. Les clowns incarnent l’enfant et nous savons tous qu’un enfant dans sa naïveté dégage plein d’amour et de poésie. C’est de cela que notre monde a besoin aujourd’hui!
D’ailleurs, l’objectif de mon association Africa Clowns est de promouvoir ce genre théâtral pour contribuer à l’épanouissement des enfants à travers la clownerie et les spectacles jeunes publics.
Aujourd’hui, vous évoluez au Cameroun, comment et pourquoi avez-vous quitté le Bénin ?
Mon frère, la plupart de nos aînés ont fait pareil à un moment de leur parcours artistique. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons aujourd’hui au Bénin des devanciers bien formés et qualifiés dans leur domaine. C’est parce qu’ils ont osé quitter leur bulle et sont allés se confronter à d’autres réalités qu’ils sont devenus des références aujourd’hui. C’est d’ailleurs l’occasion de dire merci à tous ces fofos et dadas comédiens, musiciens, metteurs en scène ou experts qui ont œuvré et continuent de lutter pour le rayonnement de la culture béninoise.
Bref ! A la base, je suis parti à cause de certaines responsabilités familiales mais après le professionnel s’y est ajouté et c’est parti pour l’aventure. . .
Au Bénin, ne peut – on vivre de son art ?
Cela dépend du niveau de l’artiste. Un artiste qui vient de commencer sa carrière ne peut
pas s’attendre à immédiatement gagner de l’argent avec son art. Il faut forcément qu’il ait un boulot à côté ou qu’il mange un peu de gari d’abord… Mais un ancien talentueux et conscient peut bien gérer ses cachets et bien jouir de son travail. Il suffit qu’il évite d’épouser douze femmes ou de s’acheter une MURANO pour montrer que c’est lui qui fait le buzz … (rire !) En tout cas, ce n’est pas évident de vivre de son art dans notre beau pays, mais j’en connais qui malgré vents et marées restent très consciencieux et mènent une vie tranquille.
Et la culture béninoise, comment se porte- t- elle dans le pays où vous vivez ?
La culture béninoise n’est pas trop connue à l’extérieur notamment au Cameroun. C’est
plutôt certains artistes béninois qui sont bien connus grâce à leurs belles prestations qui marquent les gens sur leur passage.
Je prends l’exemple du Doyen Hermas Gbaguidi, de Dine Alougbine, de Carole Lokossou, Kocou Yemadjè, Florisse Adjanohoun, Patrice Toton ou Farouk Abdoulaye … Voilà des noms de Béninois que j’entends tout le temps quand un artiste de l’Afrique centrale fait les éloges sur le Bénin.
Vos activités culturelles dans ce pays, dites—nous de manière explicite, comment vous parvenez à défendre et valoriser la culture béninoise au Cameroun ?
Rassurez- vous, je n’aime pas faire piètre figure dans ma vie et de surcroît quand il s’agit du travail. Alors, chaque fois que la vie me donne l’occasion, je rehausse toujours la culture béninoise. Je continue à suivre la voie de l’excellence qu’ont tracée nos aînés pour le rayonnement de la culture béninoise.
A cet effet, j’ai monté récemment la pièce Kondo le requin qui a été joué par des jeunes comédiens camerounais avec les chants et danses d’Abomey qui l’accompagnent. C’était impressionnant ! Cette création a même eu le prix du jury sur un festival international de théâtre Jeune publics. A part cela, je travaille sur d’autres projets culturels ou fais la promotion des œuvres de collègues béninois dans mon réseau ici… Ou à défaut je chante « Gbodja- Sagbo » dans les rues de Douala (Rire).
Entre- temps, au Bénin vous avez créé le groupe Les supers Zouaves, cela était- il nécessaire ?
Cela me fait un peu mal au cœur que vous conjuguez déjà « Super zouaves » au passé mais en même temps, je vous comprends. Cela fait un bout de temps qu’on n’entend plus trop parler de nous mais je peux vous affirmer que le groupe existe toujours. C’est juste qu’on prend tous les trois de l’âge, du coup les obligations de la vie nous emmènent à faire une petite pause. Cela fait toujours du bien de prendre du recul par moment.
Et puis c’est quoi ?!!, faut laisser la place à d’autres artistes qui rêvent de voir leurs têtes à la télé non ! (Rire)
Supers Zouaves, pourquoi un tel nom et quelle est la spécialité du groupe dans l’arène culturelle ?
Le nom Supers zouaves est parti d’un délire entre amis. On a choisi ce nom car cela
répondait bien à notre genre musical qui est l’humour musical. On avait comme modèle « Les Guignols d’Abidjan et Glazai Don kévin qui faisaient le même genre. Donc, vous comprenez maintenant le choix du nom !
Parlez- nous des autres membres du groupe.
Popo et Mathaos sont mes deux autres compagnons. Ils ont aussi fait leur petit chemin dans le théâtre et seront mieux placés pour vous parler d’eux. En tout cas, on se complète bien sur scène !
Un bilan de vos activités et initiatives depuis la création du groupe.
Le bilan n’est pas totalement satisfaisant car notre album « Akoumin » a bien marché mais hélas la promotion a été mal assurée par Diaspora Music qui était notre maison de production d’antan. Les fans béninois et togolais réclamaient les CD mais notre producteur n’avait plus assez de moyens pour faire la duplication comme cela se devait. Trop d’artistes dans son écurie ! La piraterie s’y est mêlée. Nos amis vendeurs de Hilacondji se sont bien enrichis sur notre souffrance. . . On a aussi été confronté à un moment donné à un problème de management et tous les soucis que cela engendre. Bref, la vie de pauvres artistes quoi !
Quelle est l’actualité du groupe surtout que son leader n’est plus au pays ?
Je ne suis plus totalement au pays mais je descends dès que possible pour des festivals à Cotonou ou dans le cadre des activités de ma structure Africa clowns dont les super Zouaves sont membres d’ailleurs. A part cela, on essaie de travailler sur d’autres morceaux pour notre prochaine production.
En parlant d’Africa Clowns, comment avez-vous vécu votre expérience de premier clown hospitalier africain dans les hôpitaux de Suisse ?
C’était tout simplement magique ! J’étais à la fois heureux d’avoir apporté de la joie à ces petits enfants hospitalisés mais aussi triste de voir à quel point ces petits enfants souffraient dans leur lit. Malgré tout le luxe et les meilleures conditions d’hospitalisation dont bénéficient les Européens, la douleur demeure toujours la même. Ces petits Occidentaux ont le même visage pâle, le même sourire léger et réagissent de la même façon que les enfants hospitalisés du CNHU quand on joue avec eux. En tout cas, rien ne vaut la santé !
Réalisation : Esckil AGBO/ @dekartcom