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Faustine d’Agla, Effet doppler : regards croisés sur la question de l’enfantement pour autrui.

Photo: Richard ADJINANOUKON

Faustine d’Agla, effet doppler est une écriture et une mise en scène de Hurcyle GNONHOUÉ qui distribue Sidoine AGOUA, Nathalie HOUNVO YEKPE et Didier Sèdoha NASSEGANDE. Le spectacle a fait l’objet d’une tournée appréciable à encourager. En dehors de l’Université d’Abomey-Calavi, de L’Ecole Internationale de Théâtre du Bénin (EITB), de l’Espace Culturel Le Centre, ce spectacle est allé à Bohicon le 28 février, à Abomey le 1er mars et à Grand Popo le 4 mars. Cette création n’a pas fait ainsi deux ou trois dates comme nous en sommes habitués. C’est un constat important dans l’option de diffusion de spectacle de théâtre à laquelle le public béninois est habitué. Cotonou et Porto-Novo étant les villes bénéficiaires privilégiées de la diffusion théâtrale.

L’histoire de la pièce expose une jeune fille, Faustine vivant dans une ville dénommée Agla, jeune africaine de son temps, temps moderne d’Internet et de valeurs numériques. Elle souhaite installer une unité de production de bébés pour autrui. Elle signe un premier contrat avec le couple des Martinet mais le projet n’aboutit pas car sa mère s’y oppose et brise l’œuf qu’elle devrait se faire inséminer.

Le spectacle est subdivisé en trois mouvements : trois séquences qui sont des variations ou des perceptions de la problématique des mères porteuses. Le premier tableau montre Faustine en famille avec sa mère qui ne partage pas son point de vue mercantile sur l’enfantement pour autrui. Le deuxième tableau met en jeu Vecteur X, une justicière autoproclamée du réseau internet qui prend faits et causes pour Faustine, s’infiltre chez les Martinet à travers un salon de coiffure afin de trouver des pièces à conviction pour confondre ce couple absent. Le troisième tableau aborde les fièvres et les folies causées par le désir d’enfantement chez Kossou Kossékinskou, victime et fidèle désespéré de Faustine d’Agla.

Photo: Richard ADJINANOUKON

La richesse du spectacle reste dans la perception des différentes variations du sujet de l’enfantement pour autrui. Si la question est perçue comme un sacrilège, un acte condamnable d’une part, elle est perçue sous d’autres cieux comme un moyen d’aide et de soutien, une preuve de solidarité entre humains. Tout est une question de perception et de relativité soutenue parfois par des ressorts socioculturels et financiers. Ce qui fait aussi la richesse de ce spectacle, ce sont les options de mise en scène qui font jouer plusieurs rôles aux mêmes acteurs. C’est une option à risque surtout quand le public n’est pas bien préparé. Mais dans le spectacle, le fait passe sans problèmes car les outils de la scénographie, les costumes, le jeu d’acteur des comédiens aident à comprendre le changement de l’univers fictionnel. Cela permet de camper l’univers des trois histoires qui ne sont pas liées mais qui abordent tout de même le même fait. Ce qui enrichit aussi la mise en scène de Faustine d’Agla, Effet Doppler de Hurcyle GNONHOUÉ, ce sont les éléments de la scénographie, les costumes, la lumière et la composition sonore. Les costumes et la scénographie entretiennent une parfaite adéquation : il suffit de voir le manteau de Vecteur X qui cadre bien avec son rôle de justicière et les blouses des infirmières dans le volet faisant évoluer Kossou Kossékinskou. Sur le plan de la caractérisation des personnages, les costumes ont aidé à bien cerner les contours du jeu et les contenus des histoires. La robe de nuit de Faustine et le peignoir de Kossou Kossékinskou renseignent sur le type de personnages qu’incarnent les acteurs et permettent aux publics de les situer dans un environnement social et psychologie précis.

D’un autre point de vue, les notes vocales à capela sont perçues comme des ingrédients supplémentaires qui en rajoutent au plaisir du spectateur. En matière de son, il serait important de notifier l’apport des voix off. Le son en fond sonore qui tourne comme une radio en mode d’information s’aperçoit comme la mise en abyme du spectacle. Cela reproduit en petite dimension ce que nous voyons en trois séquences sur le sujet d’enfantement pour autrui. L’on entend ainsi des informations rapportées, des reportages de faits divers ayant rapport à la problématique de l’enfantement pour autrui. Ce sont ainsi différentes perceptions, différentes variations du sujet synthétisées et diffusées en informations.

On ne peut sortir de ce spectacle sans interrogations diverses : peut-on être mère porteuse et désireuse de garder son bébé à la fin du contrat et s’opposer à le remettre aux vrais propriétaires, l’auteur du spermatozoïde et/ou de l’ovule ? Aime-t-on différemment un bébé qui n’est pas resté dans son ventre ? Qui sont les vrais « parents » d’un bébé né de la GPA : les porteurs et les géniteurs ? Quel type de relation cet enfant peut-il développer plus tard avec ces différents acteurs ? Est-ce qu’il saura un jour qu’il a été porté par une autre femme que sa mère ? Voilà autant d’interrogations que soulèvent ce spectacle qui gagnerait à être jouer dans les facultés de droit et de médecine afin de susciter des débats et des échanges pour le bonheur des sciences.

Paterne Djidéwou TCHAOU

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