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Dorothée Dognon, Directeur de la cinématographie béninoise : « Le cinéma béninois n’était pas crédible »

Dekartcom, poursuivant les investigations liées à son dossier sur le code de la cinématographie béninoise a rencontré, le vendredi 03 juillet 2015 le directeur du cinéma au Bénin, le Docteur en cinématographie, Elavagnon Dorothée Dognon. Entre l’équipe de votre site et  lui, il s’est agi d’un jeu de questions- réponses dont voici la teneur.

Dekartcom : Comment se porte le cinéma béninois ?

Dorothée Dognon : Le cinéma béninois se porte bien. Avant je suis pessimiste… Je le dis parce qu’en dehors de la révolution numérique, l’avenir de l’industrie culturelle appartient au cinéma ; on a des gens qui font du théâtre et qui mettent sur CD et qui disent qu’ils font du cinéma, des chanteurs font du cinéma, on voit même des gens qui n’ont aucune  notion du cinéma et qui  disent qu’ils font du cinéma.  En un mot tout le monde veut faire du cinéma au Bénin. Je le dis parce qu’il y a de l’espoir.

Mais quand on voit la réalité, on dira que le cinéma béninois est malade. Parce que  sur le plan international, sur le plan régional, la santé du cinéma des pays se  définit par le prix, la considération que ce cinéma a à l’échelle internationale. Je ne parle pas des cinéastes béninois qui vivent à l’étranger. Mais on n’a pas encore cette considération.

En dehors des jeunes de l’ISMA qui se battent- parce que c’est ce qu’ils ont appris et qui font beaucoup d’efforts, je pense que si on  va dire la vérité, on a de problèmes.

Donc, le cinéma béninois est malade, il suffit qu’on  y mette les moyens pour le rendre plus compétitif. Les métiers qui consomment plus de  mains d’œuvres, les métiers  qui  vous permettent   de travailler sans être fatigué, je pense que le cinéma fait partie de  ces métiers- là. C’est un métier qui donne beaucoup de débouchés aujourd’hui.

Faites- nous un bilan de votre gestion depuis que vous êtes nommé à la tête de l’institution.

Quand je suis venu à la tête de l’institution, j’ai dit : assainissement de l’environnement, visibilité et crédibilité. Le cinéma béninois n’était pas crédible, la direction de la cinématographie n’était pas crédible.

En 2011, le budget de la  direction était à cinq millions franc CFA. Je suis parti voir ceux qui font le dispatching du budget alloué  au ministère  en charge de la culture et on me dit que c’est après le  travail du dispatching  que s’il  reste des miettes qu’on pense à la direction de la cinématographie.  Après, on me dit  que la direction est très éloignée des usagers et on ne sent même pas si elle existe. Le troisième point, on me dit  que la direction n’est pas visible. Quand je suis venu, j’ai déplacé la direction d’Akpakpa.

Après, je me suis dit qu’il faut rendre le cinéma béninois visible, alors il faut le mettre autour de quelque chose.  Sachant que seul, je ne peux faire ce travail, j’ai réuni  tous les acteurs  autour d’un projet concret. Alors j’ai initié un projet de long – métrage et je suis parti chercher   les moyens. Par la suite, j’ai appelé  toutes les associations  qu’on m’avait présentées et on a réalisé ce film et aujourd’hui,  c’est en postproduction au Maroc.

Je suis fier parce que j’ai donné cette chance à la jeunesse, surtout les jeunes de l’ISMA qui ont de la passion pour le métier  et qui ne trouvent pas un environnement sain ; j’ai donné cette chance à ces jeunes qui ont occupé des positions qu’ils n’ont jamais occupées dans le métier qu’ils ont appris. C’est vrai que cela m’a créé des ennuis mais c’est une foi.

Pour rendre le cinéma visible,   il faut occuper  les écrans  et la meilleure manière  est de faire des séries. Donc, j’ai également initié la production d’une série, un autre projet qui, d’ailleurs a été sélectionné pour le FESPACO 2015. Et pour parvenir à  tout cela, il faut des moyens. Alors le budget de la direction- je ne vous dirai pas le montant mais, je l’ai multiplié par dix environ.

L’autre chose que je suis en train de faire est que j’ai attaqué le nœud du cinéma béninois. Il n’a pas un environnement juridique et c’est cela qui cause tous les problèmes. C’est pourquoi, vous voyez des gens  qui n’ont pas appris le métier s’y hasarder. Ceux qui  font du théâtre ou qui vont même filmer les cérémonies disent qu’ils font du cinéma_ c’est bon ! Je ne les critique pas.  Si on leur crée une condition, je crois qu’ils peuvent faire mieux. Le vrai problème du cinéma, c’est la source de financement. Aujourd’hui,  vous ne pouvez pas voir une industrie cinématographique d’un pays qui n’a pas de financement. C’est impossible. Donc, il faut un code de cinéma.

Et le code voté depuis 1998 n’a pas été promulgué. Moi, je ne sais pas  qui est responsable. Ce que je sais c’est qu’il y a problème.  On parle de vice de procédure. Le  gouvernement, en son temps, n’avait pas contacté la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) et la Cour suprême avant d’envoyer le projet à l’Assemblée nationale. Le code a été voté mais la Cour constitutionnelle l’a rejeté. La Cour suprême  a donné son avis motivé mais depuis la HAAC ne l’a pas encore fait.

C’est le Chef de l’Etat lui-même qui a signé la lettre demandant à la HAAC de donner son avis consultatif. Il semble que c’est en bonne voie. Si ce code était  promulgué, on aurait une source de financement fiable. Lorsque vous avez les moyens, les sources de financement, vous pouvez réglementer l’environnement.  Le processus, bloqué entre- temps est déclenché.

Est- ce que c’est le même code de 98 qui est toujours sur la table de la HAAC ?

Le directeur d la cinématographie béninoise, Dorothée Dognon

Le directeur d la cinématographie béninoise, Dorothée Dognon

On avait le choix de reprendre le code ou de continuer avec l’ancien code. Il faut dire que chaque choix a ses avantages et inconvénients. Nous disons que si on reprenait le code, cela va prendre du temps. Le code que nous sommes en train de vouloir promulguer est rédigé depuis 1998, ce n’est plus adapté. Cela veut dire que si on reprenait  le code, il serait adapté aux réalités actuelles de l’industrie cinématographique mais on va prendre du temps. S’il en est ainsi, nous nous sommes dit qu’il serait préférable de continuer avec le code voté et non promulgué et après on l’adaptera aux actuelles réalités du cinéma.

Dans son avis, la HAAC pourrait faire des propositions  qui vont peut- être tenir des réalités.  C’est  dans notre PTA, nous avons prévu un séminaire entre députés et tous les acteurs du cinéma.

Mais la HAAC prend du temps pour donner son avis.

C’est depuis l’année passée qu’on a envoyé et nous sommes à pieds d’œuvre pour que cela soit fait dans un raisonnable délai.

Ce code, une fois re- voté et promulgué, quels en sont les avantages  dans la vie des cinéastes ?

Aujourd’hui en dehors de quelques doyens, je me sens seul et je n’accuse pas les gens parce que ces acteurs du cinéma qui ne s’intéressent pas au code de la cinématographie ne savent pas encore leurs intérêts.

Vous  voudriez dire que les cinéastes ne vous accompagnent pas dans cette lutte ?

Oui. Mais, à mon avis, ce n’est pas de leur faute. La responsabilité m’incombe parce que je n’ai pas fait une communication autour de l’impact que ce code aura sur les acteurs du secteur du cinéma. Aujourd’hui, si on vote le code de la cinématographie,  il y aura non seulement un environnement juridique mais aussi financier.

Vous voyez aujourd’hui, n’importe qui se lève  et se dit qu’il est producteur, qu’il est réalisateur. A l’avènement du code, je crois que tout cela va cesser. Il y a plus de cent métiers dans le cinéma, tout cela va y être clairement défini.

La deuxième chose qui est capitale quand le code sera voté et promulgué, le cinéma aura un fonds.  Les deux impacts directs du code, c’est qu’il y aura désormais un environnement juridique pour  définir  ce  que chacun doit faire dans la corporation. Il y  aura donc de l’ordre. Secundo, le code mettra à la disposition du secteur les moyens, notamment financiers.

Que faites- vous  pour convaincre les acteurs qui traînent encore les pas pour le vote du code de la cinématographie ?

J’ai dit un peu plus haut qu’il y a défaut de communication. Et cela, c’est de ma responsabilité. Mais j’avais organisé une table ronde où j’avais invité des personnalités du monde du cinéma et  celles du secteur financier (les banquiers), les hommes d’affaire  pour parler de l’impact du cinéma sur chaque secteur. On avait mis, à l’occasion, en place, un comité qui va m’aider à faire avancer la procédure du code. Mais j’avoue que le  comité n’a pas marché. Mais il y a le doyen Jacques Béhanzin qui m’aide beaucoup.

Et le consommateur des œuvres cinématographiques, il y gagne quoi ?

Vous voyez aujourd’hui, personne ne contrôle ce qu’on déverse sur le marché ; ce n’est pas de la censure. On met de n’importe quoi. Des fois, on insulte le consommateur. Le code va protéger le consommateur, de point de vue de la qualité. Mais je crois qu’il y aura également dans le conseil d’administration un représentant des consommateurs. Donc, ils auront un œil sur ce qui sera mis sur le marché.

Un mot sur la rénovation des salles de cinéma dont les chantiers sont ouverts ?

Il y a un problème… C’est parce que le Ministre Jean- Michel Abimbola tient à cela. Sinon si on devait faire  une salle de cinéma adaptée  aux réalités d’aujourd’hui,  on  construirait de nouvelles salles. Mais à défaut de ce qu’on veut faire, on se contente de ce qu’on a.  Comme on n’a pas les moyens pour construire des salles dignes de ce nom, le choix, c’est de réfectionner les salles déjà existantes.

On est en train… l’entrepreneur n’a pas encore livré. Nous descendons régulièrement sur le terrain pour faire des observations.

Qu’en est- il des brouilles financières entre l’entreprise et les autorités du ministère de la culture?

Je ne suis pas le maître d’ouvrage délégué. C’est le Fonds d’Aide à la Culture. Je ne suis pas sûr qu’il y  ait des problèmes avec l’entreprise. En tout cas, en matière de finance, je ne  connais rien par rapport à ça.

Monsieur le Directeur, merci

Réalisation : Esckil AGBO

 

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