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QUINZAINE DE LA PHOTOGRAPHIE AU BÉNIN
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Au début des années 80, il est parti de la Guinée Conakry, sa terre d’origine pour la Haute Volta, actuel Burkina Faso pour étudier à l’INAFEC, une école de cinéma. Il n’a pas réussi à faire ladite école, cependant, il est parvenu  à  se frayer un chemin dans le cinéma. L’école des expériences ; formation sur le tas. Réalisateur par intime conviction et par passion, Cheick Fantamady  Camara  exerce   son métier avec un exceptionnel charisme.   Dekartcom l’a rencontré pour vous. 

Lisez l’entretien

Dekartcom : Vous êtes  réalisateur, un acteur très actif du cinéma africain. C’est quoi le cinéma, selon vous ?

Cheick Fantamady Camara : C’est le benjamin des arts qui regroupe en son sein les six  premiers  [l’architecture, la sculpture, la peinture, la danse, la musique, la poésie]. Ce qui fait de lui, l’art complet donc un espace complet d’expression.

De quoi est fait le cinéma ? Autrement dit, quels sont les sous- métiers dans le secteur du cinéma ?

Je ne crois pas qu’il y est de sous métiers dans le cinéma, c’est plutôt la rencontre des métiers différents qui travaillent  pour un objectif commun. Le cinéma est fait de plusieurs métiers, c’est pourquoi c’est un travail d’équipe.

La culture est un élément fondamental pour le développement d’un peuple, dit-on. Comment, selon vous, le cinéma peut influencer l’épanouissement économique, social… d’un peuple ?

Hormis son côté culturel et identitaire, le cinéma est un métier qui fait la main d’œuvre, le cinéma est un métier qui génère les finances tout ça, si il est pris au sérieux et géré comme toute entreprise. Au-delà de ces facteurs économiques, le cinéma est un élément fort pour la construction de l’identité d’une nation. En Afrique, le Nigéria est un exemple encourageant.

 Quel est votre regard sur l’état actuel du cinéma africain ?

Il se débat tant bien que mal. Il faut juste qu’il sorte du système de subvention et entre dans le créneau business. Une activité subventionnée n’a pas de valeur financière parce qu’il n’y a pas de comptabilité, de rentabilisation. Il nous faut une démarche vers l’indépendance du cinéma. Nous avons tout ce qu’il faut : public, cinéastes, sujets, il manque juste ce déclic « Comment changer le système de production ?». Surtout avec l’avènement du numérique qui rend les choses beaucoup plus abordables…

Pensez- vous qu’il  constitue une chance pour l’essor du continent ?

Oui, parce que s’il est pris en compte, géré comme il faut, c’est l’opulence. Le continent sera vu et montré autrement, l’économie du cinéma fait vivre des millions d’âmes, on ne cherche pas plus.

Quelle image  de l’Afrique le cinéma africain projette au monde, selon vos observations et parcours ?

La nouvelle génération a le même langage de montrer l’Afrique que la première. Entre les deux, il y a eu un temps mort où l’Afrique était devenue le symbole de la négation. Cela était commandité par le bailleur, comme dit un réalisateur africain « c’est celui qui paye la note qui commande le menu »… Aujourd’hui, on ne veut plus montrer l’Afrique comme le veut l’occidental qui en faisait un fonds de commerce. Ce qui revient à dire que le cinéma est une arme aussi explosive qu’une bombe, une arme aussi homogène qu’une boule d’oxygène, ça dépend de comment on s’en sert. Les USA en ont bien profité. Les cinéastes américains ont fait rêver l’Américain, ils lui ont dit qu’il est le plus fort de la planète et qu’il peut être capable de tout faire. L’américain l’a cru et a rêvé. Aujourd’hui, qu’on le veuille ou pas, tout le monde veut être américain ou, a voulu être américain un moment.

Dans son cinéma, les cinéastes américains ont rêvé et sont allés jusqu’à imaginer des personnages à l’image de la puissance du pays, par exemple : SylvesterStallone « RAMBO ». Un seul homme capable de combattre toute une armée et il gagne… C’est plutôt positif car, ça s’attaque au psychique de la population, c’est aussi ça le cinéma.

Le temps mort dont je parle qui a montré l’Afrique dans la négation a attiré beaucoup de choses négatives sur le continent : toutes les ONG du monde et tous les dieux de la planète se sont donné rendez en Afrique pour la sauver, mais, de quoi ? Toutes les sectes virées de leurs pays sont chez nous. Ils s’enrichissent, puis se barrent et nous, nous restons pauvres. Depuis que ces dieux macabres sont là, est ce que l’Afrique est sorti de l’enfer ? « NON parce que nous avons abandonné nos ancêtres, ils nous ont aussi abandonné et nous sommes à la merci de nos prédateurs. Toujours accrochés aux divinités de ceux qui nous marginalisent. L’humanité a vu des peuples qui ont vécu l’enfer sur terre, mais, dès que les choses sont rentrées dans l’ordre, leur premier travail fût de redorer leur identité, leur repère. Aujourd’hui, ils brillent de leurs identités. C’est ce que l’Africain noir n’a toujours pas réussi à faire et c’est pourquoi nous sommes considérés comme les derniers ÊTRES de Khourigba Maroc Juillet 08 Hla planète alors que nous sommes premiers sur terre. Pourquoi Dieu n’est pas noir ?

Il faut qu’on sache filmer l’Afrique et les Africains. Arrêter d’être négationniste, pessimiste, suivistes. Même si nous voulons montrer des choses graves, à dénoncer, on peut les faire avec dignité, intelligence car nous sommes des artistes, nous aimons la vie et ses composantes et nous devons savoir en parler. La souffrance ni la pauvreté ne sont pas qu’en Afrique, le sida, l’Ebola ne sont pas africains.

Sachons dire « NON » à certaines choses, comme les autres le font quand ils ne veulent pas. L’Afrique est devenue la passoire de toutes les conneries de la planète, nous sommes trop passifs. Le cinéma est un bon élément pour aider la population à réfléchir.

L’écriture cinématographique est variée. On fait un choix :

-J’expose ce qu’il y a et je laisse l’ouverture pour le spectateur de juger.

-J’expose ce qu’il y a et je propose ce que je pense de la résolution.

-J’expose ce qu’il y a et je dirige le spectateur vers ce que je souhaite ;

-J’expose ce qu’il y a et j’aggrave pour provoquer etc.

Tout est possible dans le cinéma.

Le cinéma africain a- t-il de meilleurs jours pour le futur?

Bien sûre que oui, rien qu’à voir l’engagement des jeunes, tout est en train de changer. On ne peut que rêver car l’espoir est permis.

Parlez- nous de votre parcours vous avez combien de productions cinématographiques a votre actif?

J’ai quatre  films dont deux  courts métrages et deux longs métrages. Le cinquième est en recherche d’argent.

Konorofili (Anxiété) 15’ en 2000 tourné à Paris.

BèKunko (Nos problèmes) 31’ en 2004 à Conakry

Il va pleuvoir sur Conakry : 1h53’ en 2007 Conakry.

Morbayassa le serment de Koumba : 2h04’  en 2014 à Dakar, Conakry Paris et banlieue.

Vous résidez en France, dites- nous les problèmes que vous rencontrez en tant qu’Africain ?

Le seul problème que je rencontre, c’est comment trouver facilement l’argent pour faire Cheick Fantamady Camarames films. Cela, ce n’est pas une question d’Africain, c’est une question de réseau. Il y en a pas pour tout le monde donc c’est compliqué pour tout le monde, un tout petit peu plus pour nous, cinéastes africains parce que, nous paraissons toujours comme des mendiants, des subventionnés. C’est pour ça, notre cinéma doit sortir de ce système.

 Vos projets?

A part les films que je veux faire, mon plus grand projet est déjà en chantier. Un centre de stages pratiques d’écriture et de réalisation cinématographiques. Un centre d’échange, de transmission de savoir et de savoir- faire.

Je multiplie ces stages en ce moment. Je suis revenu de Ouaga le 05 Juillet 2015 où j’ai passé trois  semaines pour un atelier à « l’Institut Imagine » de Gaston Kaboré. Ça s’est soldé par un court métrage qui est en postproduction. J’en ai fait en Guinée, en Guyane. Je prépare pour d’autres pays aussi. Quand on voit toute la volonté des jeunes à faire ce métier, on se dit que les choses ont changé.

Un mot pour ces jeunes

Le cinéma est une arme aussi positive que négative. Sachons filmer notre continent et ses habitants. Faisons rêver les nôtres, grandissons les nôtres en les filmant même quand on veut les dénoncer ou parler de choses graves. Sachons où placer la caméra pour filmer. Pour être comédien, il faut avoir un objectif, une conviction. On ne joue pas juste pour jouer, mais, pour défendre un idéal.

Ayons confiance en nous, aimons ce que nous faisons et croyons-y.

Qu’est-ce que vous avez souhaité évoquer et que nous n’avons pas eu la présence d’esprit d’aborder ?

C’est le souhait que nous, cinéastes, nous, nous mobilisons pour mettre en valeur notre beau métier en changeant le mode de production pour sortir de la subvention. Si nous sommes actifs sur le terrain, les Etats, obligatoirement vont suivre. Grandir notre continent et ses habitants. Actuellement, nous cinéastes  d’Afrique francophones, sommes dans une phase, où, les Etats attendent les cinéastes, les cinéastes attendent les Etats. Qui le premier va bouger ses fesses ? Exceptionnellement, quelques Etats commencent à se mouvoir, le Sénégal par exemple.

Un mot pour conclure

Il faut visualiser le positif.

Réalisation : Esckil AGBO

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