Les artistes plasticiens, au Bénin, sont méconnus de la population. Les filles et fils du pays du vodoun, constate-t-on, continuent de mal évaluer la portée de cet art, pourtant, célébré avec éclat dans d’autres pays.
L’art plastique, au Bénin, remonte à la nuit des temps. De l’ère des rois jusqu’à aujourd’hui, son environnement n’est jamais resté muet. Les nombreuses générations qui se sont suivies n’ont jamais été oisives. Cependant, les artistes paraissent méconnus de la population. Leurs œuvres ne reçoivent pas toujours les ovations dues au travail d’esprit qui est fait. Des citoyens s’étonnent quand certains d’entre eux [les artistes] se présentent comme artistes.
A qui la faute, aux dirigeants, aux populations ou aux artistes mêmes ?
Approché, le plasticien Dominique Zinkpè, répond : « Je ne veux pas accuser la population parce que je sais que mon peuple a le goût et le respect pour l’art. Je nous rejette le tort, nous artistes plasticiens. Nous avons un manquement et cela, c’est de réussir à intéresser nos proches. Nous n’avons pas réussi à nous mettre à la hauteur de leur goût… Il y a une organisation qui se fait d’une manière que de simples Béninois n’avaient pas accès à notre exposition.
Je donne un exemple simple. Que ce soit à l’institut français, au centre culturel chinois ou américain, dans nos invitations, on n’invite que les élites de la société. Les avocats, les docteurs, les médecins, afin, toute personne qu’on imagine potentielle et qui pouvait nous acquérir. Cela a fait qu’on a été isolés avec l’art. » Pour le directeur de Le centre, l’erreur est donc aux artistes.
Toutefois, il estime que les autorités, notamment, celles qui gèrent la culture ont une part de responsabilité dans cet état de chose. Parlant de ces dernières, il martèle : « elles sont pauvres d’esprit. Elles n’ont pas encore compris la valeur de ce qu’elles ont à vendre. Elles n’ont aucune politique pour éduquer les élèves et étudiants à l’art plastique. Avant, il y a avait les cours de dessins dans les écoles. Mais aujourd’hui, rien. Personne n’y songe. »
Contrairement à son aîné, le jeune Marius Dansou pense que la situation n’est pas aussi criante. Mais il reconnaît que la peinture, la sculpture, le dessin et autres, n’ont pas encore suscité l’attachement souhaité au sein des filles et fils du Bénin. Il reste beaucoup à faire sur ce plan, a-t-il avoué.
Tout est fait déjà, semble dire à Marius Dansou, le sexagénaire Koffi Gahou, avec sa quarantaine d’années d’expérience dans le métier. Pour ce dernier, ni la population, ni l’artiste n’est à accuser.
« C’est un problème politique », a-t-il lancé, tout furieux. « Quand tu mets un meuble béninois et un meuble chinois, qu’est-ce que la population choisit ? Le problème est politique. Nous ne connaissons pas notre culture. Quand vous regardez la télé, les administrateurs, les cadres sont en vestes et cravates. Qu’est – ce que vous voulez dire à la population ? C’est elle qui va quitter son village et ne pas vouloir porter de veste ? Les politiciens sont là pour faire les choses exactement ou de manière pire, grave que le Colon », regrette l’homme.
Selon Koffi Gahou, cet état de chose a fait éloigner la population béninoise de sa culture. «La culture qui fait consommer la culture, le peuple béninois n’en a pas. Le peuple béninois n’a pas la culture de la consommation de la culture. Regardez ! Est- ce qu’il y a des structures qui se chargent de la vente des objets d’art béninois ? Je dis non ».
Ses collègues Christelle Yaovi, Philipe Abaï, Charly Djikou abondent dans le même sens et font savoir que la promotion des arts plastiques restent critique dans leur pays.
La première pense que la base du manque d’intérêt pour l’art plastique demeure l’ignorance. Ignorance aussi bien dans le rang des populations qu’au sein des autorités politico- administratives. Pour le second, ce n’est pas une question d’ignorance mais plutôt une question de sensibilité car justifie Philippe Abaï, « les Béninois connaissent les arts plastiques. Moi, j’ai vendu beaucoup plus à des Béninois qu’à des expatriés ».
Quant au sculpteur de pierre, Charly Djikou « les arts plastiques n’ont pas encore eu l’engouement qu’il leur faut ».
Que faire alors ?
« Il faut mettre en place l’éducation qui fait consommer notre culture. Il faut que nos autorités déposent les cravates, les vestes et se mettent en tenue traditionnelle. Imagine que tous ceux qui sont en vestes sont en tissus. Est- ce que vous imaginez le nombre de couturiers qui vont trouver à faire ! Si l’Etat dit : nous voulons avoir simplement 5% de meubles italiens et européens dans les bureaux, vous imaginez le nombre d’artisans et menuisiers qui vont avoir de marchés ! Il faut une rééducation…. Je suis dedans depuis 1961 », répond Koffi Gahou. Il a expliqué qu’il est urgent de rapprocher les Arts Plastiques des Béninois. Ceci en commençant par les responsables, les autorités.
« On doit apprendre au peuple béninois à consommer ses artistes », dira le peintre Donatien Alihonou pour appuyer Koffi Gahou.
Et pour y parvenir, Christelle Yaovi estime qu’il est nécessaire d’intégrer dans les programmes scolaires les cours de dessins, de la peinture, de la sculpture etc.
Esckil AGBO