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Zoom sur Alain Nounagnon : « Il y a des talents qui sont innés et d’autres qu’on développe à force d’exercices »

De nationalité béninoise, Alain Nounagnon est un directeur photo.

Alain Nounagnon est un professionnel de l’image. Titulaire d’un Master professionnel en cinéma et audiovisuel, il multiplie au quotidien d’enrichissantes expériences pratiques dans le milieu ici et ailleurs. Il a fait le plaisir de répondre aux questions de notre rédaction à travers cette interview. Lisez notre entretien…

En tant que professionnel de l’image ayant fait des études supérieures dans l’image, pensez-vous que la formation suffit-elle seule pour se faire un parcours ?

La formation à elle seule ne suffit pas à garantir un parcours professionnel surtout dans un domaine comme le cinéma, c’est une base certes ; une bonne base même, mais après il faut beaucoup de pratique. Un parcours professionnel, c’est un ensemble constitué de formations, de stages, d’emplois… Pour ma propre expérience et majoritairement pour les gens de mon milieu : quand un réalisateur ou un producteur me contacte pour un projet, il ne me demande pas de lui envoyer mon diplôme de Master pro 2 en cinéma et audiovisuel (pourtant j’en ai un), mais il me demande tout de suite mon showreel, mon CV, et des références de mon travail. Et ce n’est qu’une fois convaincu qu’il continue la discussion avec moi. Donc en résumé après la formation, c’est la somme de vos expériences professionnelles qui constituent votre parcours, et parfois même ce n’est pas suffisant tant que vous n’avez pas des recommandations de X ou Y, mais ça c’est encore un autre débat…

C’est vrai qu’il faut du talent dans votre métier. Mais quelle part de pourcentage revient au talent dans vos succès ?

Il y a des talents qui sont innés et d’autres qu’on développe à force d’exercices et de routines. Le mien, je l’ai développé au fil des années, avec les expériences accumulées et je continue de le cultiver au jour le jour car notre domaine est très compétitif. Notons surtout que le savoir-être y est tout aussi important que le savoir-faire et le talent ne pardonne pas tout.
Je dirai donc que le talent occupe 50% de part dans mes succès. Aujourd’hui il y a des écoles partout, des autodidactes aguerris qui ont accès aux mêmes types de formations ; mais quand un employeur vient dans la masse pour recruter sur un projet cinématographique, qu’est ce qui fait qu’il te choisit ? c’est autant ton savoir-être que ton talent.

Quelles sont les démarches que vous menez pour être sollicité sur les projets d’envergure ? Veuillez bien vouloir partager le secret avec nos lecteurs.

Il n’y a aucun secret, mais juste de la discipline et c’est en plusieurs étapes : Je m’explique. Comme je l’ai souligné plus haut, quand un réalisateur ou un producteur me contacte, il ne me demande jamais mon diplôme, mais plutôt les références de mes expériences. Donc je mets beaucoup en avant mes expériences sur mes réseaux sociaux et également le réseautage traditionnel (bouche à oreille). Du coup, quand mon travail parle à quelqu’un et il me contacte et me donne ma chance l’étape suivante est le savoir-être : je ferai tout pour saisir cette chance en restant professionnel et humain. Les artistes ont une sensibilité exacerbée et c’est un secteur où le contact humain est primordial. L’humilité est de mise : vous n’êtes qu’un élément de la machine et rien n’est jamais acquis. À chaque film, il faut s’adapter à une nouvelle équipe, sachant que, sur un plateau, chacun dépend de tout le monde du coup aucun producteur ne veut prendre quelqu’un qui mettra les autres mal à l’aise, quelqu’un qui viendra constamment en retard, quelqu’un qui a un égo surdimensionné etc… La sécurité de l’emploi n’existe pas dans ce secteur et l’angoisse est toujours présente, le tout ne suffit donc pas d’avoir du talent et de croiser les bras, il faut savoir saisir les opportunités et être prêt à faire des sacrifices pour y arriver.

Conseillez-vous ce métier aux jeunes ? Si oui quels sont vos arguments ?

Je conseille fortement ce métier aux jeunes, parce que la plupart du temps dans les écoles, les jeunes vont le plus souvent vers la réalisation oubliant qu’il n’y a pas que la réalisation comme métier de cinéma. Dans ma promotion par exemple, nous étions que 3 en image et une vingtaine en réalisation. Plus de 12 ans après, nous les trois en images avons continué à exercer ce métier et à vivre de ça, mais je ne pense pas que ça soit le cas de la moitié de mes collègues qui étaient en réalisation. Pas parce qu’ils sont mauvais, mais parce que nous avions eu plus d’opportunités d’emplois qu’eux. Donc en résumé c’est un métier ambitieux, passionnant, qui est sollicité sur le marché de l’emploi. Il te permettra de subvenir à tes besoins et on est d’accord que pourvoir vivre de son art est un rêve que tout le monde ne peut pas réaliser alors réussir dans ce domaine est en soi une joie de vivre permanente.

Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes qui désirent emprunter ce secteur ?

Le cinéma est un secteur qui fait toujours autant rêver : exercer un métier captivant, voyager au bout du monde, côtoyer des stars…Mais l’envers du décor est tout autre si vous n’avez pas les armes qu’il faut. Tous les professionnels le disent : c’est aussi difficile d’y entrer que de se faire une bonne place et de la garder. En premier lieu, je recommanderais la formation. Il existe maintes formations pour chaque métier du cinéma. Certaines sont plutôt théoriques, d’autres plus techniques, d’autres sont dispensées dans des écoles spécialisées. Dans tous les cas, si vous voulez faire du cinéma, ne négligez pas la pratique : faites des stages sur des tournages, tournez des films entre amis…

Ensuite construisez votre réseau. C’est peut-être la chose la plus importante. Pour se faire, allez à des projections, à des avant-premières, parlez aux gens, prenez leurs coordonnées… Soyez sérieux et fiable et les gens vous rappelleront. La majeure partie des personnes qui travaillent dans le cinéma sont des intermittents du spectacle, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas d’employeur fixe. Ils travaillent de projet en projet, avec parfois de longues périodes de chômage entre deux, certes quand ils travaillent ils peuvent gagner facilement en une semaine le salaire par mois dans d’autres domaines d’activités, mais cela n’est pas continuel. C’est là que le réseau est important, il faut se faire connaître et si on est content de votre travail, on vous recontactera pour d’autres projets dans le cas contraire on vous oubliera. Enfin, travaillez fortement pour construire votre carrière. Le cinéma est un secteur qu’aucune règle particulière ne régit, il reste néanmoins traditionnellement très hiérarchisé. Une carrière se construit généralement échelon par échelon, notamment pour les métiers techniques. On commence comme stagiaire ou simple assistant, puis on devient second assistant, premier assistant et enfin chef d’équipe. Le passage d’un échelon à un autre résulte souvent d’un concours de circonstances (un technicien qui vous demande de le remplacer, un directeur de production qui vous recrute pour un poste plus élevé…). Mais c’est aussi une question de chance, de relations et d’acharnement. En moyenne, il faut huit à dix ans pour atteindre l’échelon le plus haut, le temps d’accumuler de l’expérience, du savoir-faire et de gagner la confiance et la reconnaissance de ses pairs.

Propos recueillis par Paterne Djidéwou TCHAOU – DEKARTCOM / Octobre 2023

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