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Vodoun : Au-delà du culte

Vodoun "Atchinan" Photo prise par Tognidaho lors de la cérémonie officielle de la fête du 10 Janvier 2017 à Ouidah.

Pour les uns, on les a achetés… Pour d’autres, ils ont été pris fermement à la main, donc, saisis par la force. « Et puis, ils ont été intégrés dans un schéma lignager, clanique ou dynastique ». Dans l’un ou l’autre cas, les vodouns, aujourd’hui sont de réels gages des traditions africaines. Vodoun… héritage… religions… cultures et arts. Bienvenus dans le 22ème numéro du Vendredi des Patrimoine et du Tourisme.

En Haïti, les populations, notamment les pratiquants du culte vodoun considèrent le 04 août de chaque année comme la journée du vodoun. Vaille que vaille prennent-ils l’habitude de célébrer ladite journée, quand bien même, aucun acte officiel n’a, pour l’instant légiféré cette fête. Au Bénin, c’est le 10 janvier. Journée dite des religions endogènes, elle constitue l’unique occasion de l’année où le Dahomey d’hier enregistre un très grand nombre de touristes. Tout le monde désire découvrir le vodoun, ses danses, ses musiques et ses cultes. Mais il a bien une origine.

Beo Euloge Aguiar est un artiste- chercheur béninois et spécialiste de théâtre rituel. Il raconte : « le vodoun, selon l’une des nombreuses légendes, on peut noter avec plus d’approximation et de concordance des faits historiques, qu’entre le 15ème et le 16ème siècle, le Prince Olaniyan d’Ilé Ifè au Nigéria aurait rencontré dans la forêt sacrée de Kétou dans l’actuelle Bénin, la déesse Nana Bruku. De leur union naît le premier roi de Tado, Sègbo Lissa, aujourd’hui, vu comme l’aîné des divinités et confondu à tort avec le Dieu, Mahou, le Créateur ». Sègbo Lissa est un véritable exemple de dualité. Elle comporte deux esprits. L’un femelle, Yonwé anannou et le mâle Dada Zodji. »

Etymologiquement, poursuit- il,: « dans la langue fongbé où il est le plus usité, le mot vodoun est composé de ‘’Vor/ Vô’’ qui signifie la vie, le sacrifice et ‘’dou’’ qui signifie la divination, le fâ à travers ses seize maisons géomantiques. A cet effet, il n’y a pas de crue de vodoun sans le fâ. Le vodoun pourrait alors se définir comme un ensemble d’idées que ceux qui y croient se font de la divination, une puissance matérielle, immatérielle voire surnaturelle, provenant, soit de la nature, soit des ancêtres, donc de personnes déjà décédées ».

Emmanuelle Kadya Tall, dans un son essai intitulé Dynamique des cultes vodouns et du Christianisme céleste au Bénin cite Maupoil (1986) qui expose le vodoun comme « tout ce qui est mystérieux à l’entendement humain ». Une réalité difficile à comprendre mais qui peut- être commentée, à en croire Hounon (Prêtre de Fâ) Alokpo, rencontré à Missrété, suivant les trois signes fondamentaux qui caractérisent le vodoun : « l’initiation, la transe et le sacrifice ».

Selon les détails de Beo Euloge Aguiar qui vient l’appuyer, il s’agit de l’initiation des adeptes (vodounsi), la transe de possession qui fait que l’adepte communie avec son dieu et le sacrifice qui est marqué par les offrandes et le sang d’animaux.
En clair, le vodoun est la révélation ou du moins une forme de révélation de Dieu aux peuples noirs. Il n’est pas à confondre avec « le charlatanisme, l’obscurantisme, le fétichisme qui sont des caractères diaboliques, négativistes au service du mal », défend le comédien- chercheur béninois. C’est un héritage cultuel mais aussi culturel et artistique.

Vodoun- Au-dela du culte

De la catégorisation du vodoun
Contrairement à ce qui se distille un peu partout, le vodoun est bien organisé. Il fait partie des rares ‘’éléments’’ les mieux structurés en Afrique. Selon les propos de Beo Euloge Aguiar, soutenu par un socio-anthropologue et artiste plasticien togolais, interviewé en septembre 2016 à Ségou au Mali, il existe deux catégories de vodoun.

Les vodouns liés à un espace, un village, une ville ou un pays (To-vodoun) et ceux du lignage, de la famille (Hinnou-vodoun). De ces deux catégories sortent trois sous- genres : Gi- vodoun ou les vodoun d’en haut ; Do- vodoun, ceux d’en bas et les Tô- vodoun, les divinités liées à l’eau.

Comparant, de son côté, le vodoun aux divinités grecques, l’Anthropologue Emmanuelle Kadya Tall classe le vodoun dans quatre genres fondamentaux. Les divinités royales où le vodoun est un ancêtre mythique né de l’accouplement d’une princesse avec un animal ou un monstre (la panthère Agassu à Abomey). Celles lignagères où le vodoun est un ancêtre de lignage, divinisé à la suite d’un exploit ou d’un comportement exceptionnel (Kpatè à Ouidah). Les divinités populaires qui constituent les divinités importées lors des conquêtes et enfin celles personnelles où le vodoun est attaché à une personne humaine.

Sous un autre angle, il est dit que les vodouns sont classés dans trois trilogies bien définies. Dans la première, on note, des informations reçues de Beo Aguiar, Les vodouns liés à l’air (Mahou Sègbo lissa, Minon nan, déesse de la lune, symbolisé par le sexe et Lègba, la lumière qui montre le chemin, la voie). Le Lègba est une divinité de bien, qui ne fait qu’avertir sur les dangers qui entourent les humains.

La deuxième trilogie est composée des divinités liées à l’eau. On peut citer, le vodoun dan (arc en- ciel), qui n’est pas à confondre avec le serpent. C’est le dieu de la richesse, caractérisé par un drapeau blanc ; Tohossou, divinité des eaux qui se manifeste par la difformité de certains enfants, il est le maître suprême des eaux et le hêbiosso. Ce dernier est le bras armé de l’eau, il n’est donc pas une divinité du feu.

La troisième trilogie est celle des divinités du feu. On a, à ce niveau, Gou qui est la divinité rattachée aux métaux (le vodoun des artistes et forgerons). Aguê (aziza), porteur de l’intelligence et le Tôhiô, ancêtre éponyme de chaque famille. Cependant, il existe une divinité qui n’appartient à aucune trilogie. Sakpata, dieu de la terre.

Pour le Spécialiste du théâtre rituel, « c’est le vodoun basique, symbolisé par la terre et qui supporte tous les poids du monde. Dans ses caractéristiques, il rappelle la femme. La femme reçoit tout, la terre tout. La femme donne la vie ; la terre donne la vie ».

Esckil AGBO

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