Dans cette œuvre artistique, se déploie une volonté d’alerte à travers laquelle Gopal Das se propose de nous faire voir les incongruités de notre rapport à notre appartenance béninoise. “Les choses du pays”, création poétique et musicale illustre avec drôlerie et ironie, les extrêmes, les préjugés, les travers, les biais et complexités qui régissent notre société. Décryptage !
Indexer la fragilité de notre tissu social ?
Cette chanson invite chaque béninois qui y prêterait oreilles à s’immerger dans l’essence même de son rapport à l’autre béninois qui l’entoure. En soulignant l’étrangeté de notre sens relationnel structuré entre méfiance, médisances, usurpations, et autres méfaits ; Gopal Das nous incite à nous repenser, à nous interroger, à nous remettre en question.
C’est une forme d’ode à la déconstruction de ce qu’on pourrait nommer la mauvaise béninoiserie. Celle qu’il faut éradiquer. Celle qu’il faut astiquer en nous. Celle qui manque de sagesse et qui nous pousse aux inimitiés futiles.
En scrutant ces parts de nous, à travers ses lignes, Gopal Das souligne subtilement l’importance d’une introspection pour trouver une signification concrète à cet obscurci en nous qui nous conduit à l’égarement. Ainsi nous pourrions expliquer les fondements du manque de solidité et de solidarité durable qui caractérise une forte part de notre coexistence béninoise.
“Les choses du pays” est presque une invite musico-sociologique à creuser dans nos failles, dans nos entailles pour transgresser les mauvaises normes dont nous avons hérité et que nous avons érigés en mesure de fonctionnement social. Aurons-nous le courage de nous y mettre ?
Un appel à la discipline individuelle
Du ton aux propos, “Les choses du pays” se positionnent comme une oeuvre critique sans concession. Mais au-delà, elle permet d’ouvrir un champ de réflexions sur les réelles raisons d’une part de notre nature autodestructrice en tant que individu béninois. Cette chanson est de fait, une manière ludique de nous mettre en cause, de nous interpeller, de nous impliquer isolément ; au-delà donc de nos communautés, en dehors de nos interactions collectives ;
L’artiste s’engage de fait, à nous amener un à un, à nous regarder dans le miroir de la vérité, à appréhender la propension inappropriée de nos actes et à nous résoudre au changement. L’idée serait donc de s’accuser seul avant d’accuser tout l’ensemble des citoyens béninois.
Par prolongement, il s’agirait aussi, d’affronter nos démons éducationnels et culturels, en privé avant de tenter de les exorciser en chœur.
Puis, bien évidemment, ” Les choses du pays ” semble vouloir nous pousser séparément, à amorçer le pas de l’action positive par l’écoute et dès la prise de conscience solitaire. Comment alors devenir un béninois qui respecte le code de la route, qui s’ajuste aux bonnes réglémentations fixées par la loi, qui s’émeut du bien que vit l’autre, qui pousse d’autres béninois à respecter les convenances sociales ? Voilà ce à quoi semble nous convier individuellement ” Les choses du pays ” de Gopal Das. Sommes-nous à la hauteur de cet enjeu personnel ?
La voix comme résonance musicale
Il semble que l’un des paris de cette chanson réside également dans la capacité à faire acte de musique sans instruments de musique autre que la voix. C’est donc à partir de la polyphonie vocale et chantée que ” Les choses du pays ” trouve son entrain musical, sa cadence rythmique, et sa portée émotionnelle. Gopal Das semble ainsi construire un pont entre sa voix dite et les voix orchestrées pour l’accompagner. Une démarche qui permet de percevoir le pouvoir de l’a capella aussi bien en tant qu’instrument de musique que matière de mélodies. En cela, ” Les choses du pays ” peut être perçue comme une oeuvre de performance auditive à la densité épurée.
Au final…
À travers “Les choses du pays”, Gopal Das s’impose comme un observateur attentif et profond de notre fonctionnement social en tant que béninois. Il y capture les paradoxes et les agissements qui entretiennent entre béninois des fractures à même de gangréner l’essor personnel et collectif. Les mots qu’il choisit, dans une fluctuance entre le français et le goungbé, se déploient tel un appel à méditer sur ce que nous sommes, afin d’envisager devenir ce que nous devrions être pour s’émanciper ensemble. Un challenge qu’il nous lance de manière à peine voilée. Y parviendrons-nous dignement ?
Djamile Mama Gao – Dekartcom / Août-2023