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Palais de Tassi Hangbé : La Reine en titre, une mémoire d’éléphant

1708, le roi Akaba disparut. Sa sœur jumelle lui succéda. Ceci, sur l’invite du Conseil Royal de Danxomè. Brave femme, celle-ci a exercé le pouvoir avec courage héroïque, elle a mené victorieusement les combats entamés par son frère- défunt, singulièrement, celui contre les Ouémènous. Tassi – Hangbé, « une femme sur le trône de Danxomè ». Vendredi des Patrimoines et du Tourisme a fait un tour dans son palais. Suivez notre regard… C’est une histoire…

Le palais privé de la Reine Hangbé est situé à Kpékon, dans les entrailles de l’un des plus vieux quartiers d’Abomey : Agbodjanangan, non loin du Lycée Houffon de la ville et derrière le Conseil des Activités Educatives du Bénin (CAEB). C’est un palais qui se distingue de tous les autres. Sophie Adonon, native d’Abomey et romancière indique sa particularité : « à vue d’œil, le palais de la Reine Hangbé s’apparente à un sanctuaire vaudou, comme il en existe tant à Abomey, car bâti selon une architecture traditionnelle, commune à celle des temples dédiés aux fétiches de cette ville historique, bastion d’esprits multiples… » Hangbé-homè, le palais de Hangbé  » est la demeure de la seule femme, monarque ayant régné sur le trône du puissant royaume de Danxomè de 1708 à 1711. Sous son règne, elle avait à sa disposition deux palais : celui de son frère jumeau Akaba, puis le sien, plus modeste ».

« C’est un lieu de vie parce que dans ce palais grouille un nid d’histoires sur le royaume de Danxomè », ajoute Félix Stanislas Ayamou, instituteur à la retraite depuis une quinzaine d’années.

« Il est chargé d’histoires, de secrets et de mystères. Chaque pan de mur a une histoire se rapportant à la Reine », souligne Sophie Adonon avant de laisser notre micro à la sexagénaire Elise C. Donouvossi qui résume : « le palais de Tassi Hangbé est un espace de culte et d’enseignement sur Danxomè. On y retrouve d’ailleurs le mausolée de la monarque ».

Oui, le mausolée est bel et bien là, vient appuyer le directeur de l’Office du Tourisme d’Abomey, Gabin Djimassè, tout en regrattant l’émiettement de la superficie du palais. Selon les explications de l’Historien, « une bonne partie du palais de Tassi Hangbé est aujourd’hui occupée par l’administration scolaire d’Abomey. La première circonscription scolaire, la direction départementale des enseignements maternel et primaire d’une part et celle de l’enseignement secondaire, technique et de la formation professionnelle, d’autre part, le lycée houffon, le Caeb sont entre autres les institutions qui ont rongé l’étendue du palais. Ce qui fait qu’il ne reste qu’à peine un hectare sur la superficie de départ ».

Une reine s’y trouve toujours

La Reine Tassi Hangbé

La Reine Tassi Hangbé

Contrairement à certains palais privés dans le plateau d’Abomey, la résidence royale de la Monarque Hangbé (1708- 1711) n’est point été déserte.
Après la longue rupture sous le règne du roi Agadja (1711- 1732), la demeure de la Reine fut revalorisée par le roi Guézo (1818-1858). Dès lors, y séjourne la représente désignée par le Fa.

De la première Tassi Hangbé (1708) à 2016, ce palais, selon les informations recueillies auprès de l’historien Gabin Djimassè a connu six mandataires, toutes des femmes, sans doute.

La reine continue d’avoir donc une représentante sur son trône. Celle-ci, à en croire Sophie Adonon, « préside aux cultes annuels dans son palais ». Cette personne, poursuit l’écrivaine, est « désignée régulièrement par le Fa à chaque décès de la régnante… et elle assume la charge des fétiches, règle les différends internes à la collectivité Hangbé et entretient la mémoire de la reine, celle dont elle est l’incarnation selon le Fa ».

La Reine en titre : Une mémoire d’éléphant
En visitant le palais de Tassi Hangbé, vous remarquerez qu’il s’agit d’un bâti d’une humilité sans pareille. A l’extrême droite sur l’esplanade, vous percevrez un temple de vaudoun à l’effigie de la Souveraine. A l’entrée, vous verrez la ‘’Pierre berceau’’. Selon les témoignages de Sophie Adonon et de Gabin Djimassè, « c’est à cette pierre que la Monarque Tassi Hangbé, alors enceinte confia sa grossesse afin d’aller au front avec sa troupe armée. Évidemment, à son retour, elle récupéra sa grossesse, mais l’enfant est mort-né… »

Dans l’enceinte du palais, vous découvrirez une vieille dame, âgée de plus de 60 ans mais toujours debout. Elle est physiquement atteinte par les aléas de la vie. En 2015, a-t-on appris, de source digne de foi, elle a perdu l’unique fille qu’elle a mise au monde. Elle, c’est la Reine Hangbé en titre.

Le samedi 05 novembre 2016, en marge de sa tournée nationale, Sophie Adonon et son équipe lui ont rendu visite. Voici les mots de la romancière à sa sortie :
« Pour avoir écrit un essai sur ce prestigieux personnage,  » Monarque Hangbé : Panégyrique d’une Reine biffée », j’ai été reçue le 05 novembre 2016, en compagnie de ma délégation lors de ma tournée nationale au Bénin par la Reine Hangbé.

Nonobstant le dénuement indigne d’une reine dans lequel vivait cette souveraine, j’ai eu à m’adresser à une dame qui a de la prestance, empreinte de majesté, de dignité, de force de caractère, avec une mémoire d’éléphant. Elle est un livre d’histoire vivant, intarissable sur l’histoire du royaume d’Abomey en général, et celle de la Reine Tassi Hangbé, en particulier. ..La reine est dotée d’un grand sens de l’hospitalité. Ceci nous a permis de vivre des moments privilégiés, singulièrement émouvants avec elle, notamment devant le tombeau de la première Tassi Hangbé, souvenirs que je préfère conserver par-devers moi… »

Emouvant, n’est-ce pas ? Faites- y un tour…

Les murs toujours dressés mais le palais s’écroule
Le palais de Tassi Hangbé, lorsqu’on le compare aux autres palais de la ville d’Abomey, on est tenté de dire qu’il est abandonné. Après l’avoir corrodé au profit de l’environnement scolaire de la ville, on semble le laisser sous un pitoyable sort.
« Le palais de la Reine Hangbé est en danger », lance Sophie Adonon pour interpeller la conscience des uns et des autres.

Pour elle, ce serait biffer une deuxième fois Tassi Hangbé, injustement écartée de la dynastie, que de ne rien entreprendre pour sauver sa résidence. L’écrivaine, à cet effet, fait un appel : « que les dépositaires de la tradition, les historiens, les fils et filles du pays réagissent à bon escient afin que ce palais de la seule reine de Danxomè soit restauré »!

Le promoteur culturel béninois, président de l’association Ancrage Culture (THEATRE NOUGLOI) Janvier Nougloï et ses partenaires n’ont, peut- être pas attendu, le cri de cœur de Sophie Adonon avant d’engager des réflexions pour rénover le palais de Hangbé.

En effet, ensemble avec l’Institut Français du Bénin, l’Association des Centres Culturels de Rencontre, le Centre Nationale des Ecritures de Spectacle : la Chartreuse, Le Tarmac (scène internationale francophone), Janvier Nougloï a sorti le projet de « restaurer un des palais historique de la ville, et de lui donner un nouvel élan touristique, culturel et historique.

Une symbiose doit alors agir entre un site patrimonial remarquable, et un projet artistique et culturel qui donne une nouvelle dimension au patrimoine. D’un cout global de 218 503 173 FCFA ,ce projet est financé par l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF) à hauteur de 174 802 045 F CFA ».

Leur choix a porté sur le palais de Tassi Hangbé. Un gigantesque projet qui aboutira sur un grand centre multi- média, capable d’accueillir des résidences d’artistes, des expositions, des spectacles. Une opportunité de la sauvegarde du patrimoine et de « l’enracinement du développement culturel ».

Mais aux dernières nouvelles, le projet, pour des raisons que nous ignorons pour l’instant, serait délogé pour le palais du Roi Glèlè.

Le débat de rénover le palais de Tassi reste toujours ouvert.

Esckil AGBO

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