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Codjovi Tossou, entrepreneur culturel: « Je vais imposer le Bénin dans plusieurs milieux culturels français »

Codjovi Tossou est un entrepreneur culturel béninois. Né le 16 septembre 1974 à Dogbo, dans le département du couffo (Bénin), il se révèle vrai activiste des sujets culturels africains. Depuis quelques années, il s’est installé en France où il crée, fréquemment, des initiatives pour la promotion de la culture de son pays. Désigné, homme du mois d’octobre 2015 dans le groupe Acteurs Culturels Béninois de la Diaspora, il s’ouvre au public à travers cet entretien.

L’univers de Codjovi Tossou, c’est par ici… Suivez justes les pas de dekartcom.net

Dekartcom : Vous êtes jeune entrepreneur culturel, promoteur d’une agence de communication. Dites- nous, d’où est partie l’idée d’intervenir dans les arts et cultures ?
Codjovi Tossou : Intervenir en tant que promoteur des arts et cultures, surtout d’Afrique, est un besoin vital pour moi, une sorte de reconnaissance pour tout ce que je puise dans ces cultures pour alimenter ma vie et celle de mes proches au quotidien. L’entreprenariat culturel était déjà ancré en moi depuis le Bénin et a été à la base de la plupart de mes choix de vie. J’avais déjà créé une agence de Communication et de tourisme à Porto-Novo au Bénin, qui s’appelait agence « Afribeauté ». Je m’étais engagé à l’époque pour la promotion des arts notamment en permettant à des artistes peintres et plasticiens d’exposer quelques œuvres dans les locaux de l’agence. Les artistes comme Philippe Zountègni, Youssoupham, Syl Paris Khouton, etc. y avaient déposé leurs œuvres. Certes, elle n’avait pas fait long feu mais je tenais toujours à créer de nouveau une agence du même type.
C’est d’ailleurs pour cela qu’après trois années de travail en France dans des métiers qui n’étaient pas forcément les miens, j’avais décidé de reprendre les études alors que j’avais déjà fondé une famille. Cela m’a conduit au Master Développement Culturel et Valorisation des Patrimoines. Un Master essentiellement axé sur la création et la conduite de projets culturels pour les collectivités territoriales et dans le privé. Mais vu mon âge et ma situation d’étranger en France, je savais, et ce fut le cas, que je ne trouverais pas facilement du travail dans ce domaine. Dans le même temps j’étais convaincu que le secteur culturel en général en Afrique est encore en friche et qu’il y a de la matière. Tout cela m’a conduit à mettre en place une structure personnelle. CREATIVE© est une très jeune entreprise née seulement en 2014. Mais CREATIVE© était à la base une activité de la société IMAGINE AFRICA SARL basée au Bénin et dont je suis co-fondateur.

Quelles sont les disciplines dans lesquelles vous intervenez ?
CREATIVE© intervient essentiellement dans le conseil en Communication (de façon large), le management artistique (surtout pour les artistes des musiques actuelles africaines), la conception et la mise en œuvre de projets culturels.

Aujourd’hui, vous vivez en France. Dites – nous un mot sur les raisons de votre départ du Bénin ?
Partir du Bénin a été une décision très dure à prendre mais qui s’était imposée à moi en 2007 lorsque mon agence avait fermé ses portes à Porto-Novo. C’était aussi une façon pour moi d’aller explorer d’autres horizons, s’ouvrir au monde et à d’autres cultures, à d’autres façons de faire et de voir les choses. La destination France a été un choix familial (avec mon épouse) sinon j’étais prédestiné à l’Italie.

Et la culture béninoise, comment se porte –t- elle en France ?
Je constate avec plaisir que beaucoup de jeunes acteurs culturels du Bénin viennent régulièrement en Europe et surtout en France. J’espère qu’ils ne viennent pas pour le tourisme mais qu’il y a un vrai travail, disons une vraie volonté d’exporter nos chants et danses, nos rythmes et nos langues, nos tambours et leur son, nos gongs et leur belles mélodies, nos livres et nos contes, etc.
En toute sincérité, il n’y a pas encore un grand écho de la culture béninoise en France mais j’y travaille déjà pour ma part. Dans les années à venir, et avec les maigres ressources, je vais imposer le Bénin dans plusieurs milieux culturels français. C’est un devoir patriotique qui nécessite un mouvement d’ensemble avec l’appui des représentations diplomatiques (Ambassade, Consulat, Délégation UNESCO), qui, ces dernières, doivent commencer à se bouger sérieusement.

Des actions existent déjà dans ce sens?
Cela peut paraître bête ou anodin mais je parle de mon pays et de sa culture partout où j’interviens. Je propose par exemple de la musique du Bénin pour des vidéos, des soirées, des festivals, etc. ; j’essaie d’être présent lorsqu’il y a un événement culturel auquel mon pays participe ; je diffuse beaucoup de choses culturelles du Bénin dans mes réseaux de communication (radios, réseaux sociaux, blogs, etc.).
En plus de cela, j’ai fondé le désormais illustre concours de beauté MISS BENIN France Europe™ qui n’est pas qu’un simple concours, mais une vraie machine de promotion des cultures du Bénin en Europe. Pour preuve, les Guèlèdè étaient sur la scène de la soirée MISS BENIN France Europe de juin dernier avec plus de 9 artistes béninois dont Kemy et le groupe Semako Wobaho venus directement du Bénin. A cette soirée, sur les 5 passages des candidates, 4 étaient sur de la musique béninoise sans oublier les passages individuels : 13 rythmes et danses traditionnels du Bénin ! C’était une première vraie fête culturelle du Bénin à Paris. Cela aura lieu tous les ans ! Par ailleurs, je suis désormais à la tête de la direction Europe de Radio Bénin Diaspora.
Avec ce projet, il y a une vraie volonté de changer les choses, de conscientiser et de réunir les compatriotes autour d’un seul objectif qui est le rayonnement de la culture béninoise dans le monde. Le slogan de la radio est « Le Bénin qui résonne et qui rayonne dans le monde ». Et pour finir, je tiens à dire qu’il y a d’autres projets en cours de préparation pour mettre davantage en valeur les cultures du Bénin.

Parlant de vos activités, vous avez évoqué le concours de beauté Miss Bénin France Europe, un événement dont la première édition a lieu en juin dernier. Veuillez-nous rappeler les motivations qui sont à la base de cette initiative.

MISS BENIN France Europe™ est un projet ambitieux et très bien muri depuis 2009/2010. A l’époque, j’avais envie de faire quelque chose pour animer la vie de mes compatriotes. Comme vous le savez, nous sommes des gens discrets et cachés. Il est vrai qu’il y a toujours des activités culturelles en milieu béninois en Europe mais moi je rêvais d’un événement d’envergure et plus fédérateur qui permettrait à la fois de donner du plaisir aux gens mais aussi une grande visibilité pour les jeunes filles béninoises de la diaspora ainsi que pour la culture du Bénin.
Pour un tel projet, je n’étais pas prêt en 2010 car je n’avais pas une si bonne assise…sans oublier le poids de ma famille. C’est alors que j’avais appris en 2012 qu’un événement pareil avait été organisé mais qu’il y avait eu beaucoup de scandales. Et puis de novembre 2012 à septembre 2014, je n’avais plus de nouvelles de l’événement. Pourtant la demande est là, les autres pays le font depuis des années. J’avais donc décidé de remettre au goût du jour mon idée avec une envergure européenne. Comme je disais plus haut, pour moi ce n’est pas qu’un simple concours de beauté. C’est une occasion unique annuelle pour faire parler sérieusement du Bénin en Europe et dans le monde entier.

Peut- on avoir un bilan de cette première édition ?
Je dirais que le bilan est plutôt très positif dans la mesure où tous les objectifs majeurs ont été atteints. Nous avons eu des retours très positifs mais aussi des critiques constructives. Mon seul regret est l’absence de l’Ambassadeur du Bénin à la soirée. Du point de vue financier, j’étais convaincu je n’allais jamais m’enrichir avec cet événement. Et puis cela ne faisait pas du tout partie des objectifs. Il y a eu un énorme investissement humain et financier qui ne pourra jamais être rentabilisé, sans le soutien des autorités de notre pays. J’ai eu la chance d’avoir sur le projet des jeunes dévoués pour leur pays. Des jeunes qui s’étaient donnés à fond sans rien attendre en retour. Une fois encore merci à eux tous ! Et pour les participantes, c’était une très belle expérience même si cela reste un Concours.

M. Tossou, parlez- nous des impacts sociaux, économiques et culturels pour la France et pour le Bénin
En termes d’impacts sociaux, nous pouvons dire que grâce à cet événement on a fait se rencontrer et passer d’agréables moments plusieurs jeunes filles béninoises qui, sans cet événement ne se seraient peut-être jamais croisées. Il y a eu également des rencontres entre parents. Certains couples franco-béninois ont fait le déplacement à la soirée, c’était la première fois que les conjoints « Yovo » assistaient à une vraie soirée où ils découvrent grandement la culture béninoise. Le tissu social bénino-européen a été sérieusement impacté.
Au plan économique, il y a eu un véritable avantage pour les entreprises françaises et béninoises partenaires de l’événement. Je ne saurais évaluer de façon précise ce que ces entreprises ont tiré comme profit à travers la visibilité donnée par l’événement. En plus de cela, c’est quand même plus 40 000€ d’investissement dans ce projet depuis le lancement jusqu’à l’heure où je vous parle. Donc nous avons participé aux chiffres d’affaire de nombreuses entreprises (la salle, les magasins alimentaires, les magasins de vêtements, les stylistes, les imprimeurs, les centres de copie, les opérateurs téléphoniques, les taxis, les compagnies aériennes, les transports en commun, les hôtels, etc.).
Pour les séjours de la Miss au Bénin et pour ses activités, il y aura également des investissements. Enfin, au plan culturel, il y a eu un fort impact pour le Bénin car un des objectifs du projet est de mettre en valeur la culture béninoise. Nous n’allons pas revenir sur ce que vous savez. Le Bénin n’avait jamais été autant mis en lumière à travers sa culture à Paris. Je n’avais jamais entendu parler d’une soirée qui a fait se produire sur la même scène à Paris autant d’artistes béninois.

Une guerre de leadership a éclaté, entre-temps avec un autre comité de concours de beauté béninoise en France. Que s’est- il passé réellement ?
Je pense qu’il n’y a jamais eu de guerre de leadership étant donné que nous ne sommes pas de la même corporation. Les membres de l’autre comité et moi, on ne se connaissait pas du tout. En plus, avant le lancement de MBFE, j’avais déjà eu la confirmation ferme que l’autre comité avait déposé les clefs et que leur concours ne se referait plus ! Malgré cette information, on avait prévu que le comité MBFE les rencontre. Mais à notre grande surprise, une semaine après le lancement de MBFE, j’avais reçu une lettre recommandée d’un « avocat ». La suite…Dommage !

Qu’est- ce que le comité de Miss Bénin France vous reproche et qu’est-ce que vous en dites ?
Je pense qu’il y a eu une grosse incompréhension, alimentée parfois par des gens de mauvaise foi et une certaine presse. Le fondateur de l’autre comité dont le concours se limite à la France me reproche d’avoir volé son idée. Je me suis dit que si tel est vraiment le cas nous devons tous nous reprocher d’avoir volé l’idée de celui qui a organisé le tout premier concours de beauté dans la diaspora africaine de France. Heureusement que nous sommes dans un pays de droit où la propriété industrielle est rigoureusement protégée. L’attaque en justice n’était pas allé plus loin qu’un pseudo courrier sans en-tête d’« avocat ».
Toutes les accusations n’avaient aucun fondement juridique solide. Moi je suis resté serein sur toute la ligne parce que j’avais des objectifs assez clairs, une feuille de route bien établie avec des consignes fermes pour une équipe travailleuse, dévouée, désintéressée et amoureux du Bénin. Nous avons laissé les choses se faire sans aucune crainte. Les deux événements se sont déroulés et nous avons laissé le public tirer des conclusions.Je n’aime pas trop parler de cette affaire.

Aujourd’hui, quel est le climat entre ce comité et le vôtre ?
J’ai déjà eu plusieurs échanges avec Laurent Hounsavi, qui est un ami et qui est maintenant un des ténors de l’autre comité. Nous réfléchissons à des solutions pour éviter d’alimenter gratuitement une polémique qui n’a pas sa raison d’être…quitte à avancer, s’il le faut parallèlement, sans se heurter. Il n’y a aucune guerre réelle entre nous, selon moi.

Codjovi Tossou est marié et père de combien d’enfants ?
Marié et père de deux enfants, un garçon (Séci) et une fille (Essenam)…rire

Votre plat et boisson préférés
J’ai toujours eu un faible pour le « Owo » et la sauce gombo. Un vrai Adja quoi…rire. Ma boisson préférée c’est bien l’eau, n’empêche que je picole parfois. Sinon j’aime bien la béninoise…rire

Votre coup de cœur et coup de gueule
« J’ai toujours trouvé inextricable et bien dommage qu’avec autant de richesse l’Afrique reste le continent le plus appauvri ! Quant au Bénin, j’invite le prochain président à avoir de la vision, à arrêter d’investir des milliards dans le coton qui ne nous sert à rien sinon qu’il renforce d’abord la productivité et la compétitivité des industries textiles du Bénin tout en supprimant l’importation du Wax, Vlisco, etc. ainsi que les tissus chinois. Nous devons promouvoir l’autosuffisance alimentaire, la consommation des produits du terroir, les Made in Bénin et non la production à coup de milliards du coton pour l’Occident. Sur le plan culturel, je pense qu’avec 5 milliards par an comme Fonds d’aide à la culture, on doit pouvoir faire plus de choses merveilleuses dans notre pays plutôt que des micro-initiatives construites sur mesure. Ce n’est pas les idées qui manquent et comme je dis souvent, ce n’est pas une question de provision mais de vision ! »

Qu’est-ce que vous souhaitez pour le Bénin, votre pays d’origine ?
Déjà, le Bénin n’est pas mon pays d’origine, c’est mon SEUL PAYS à l’origine comme à l’arrivée ! Ma vie en France est comme un voyage qui va se terminer et je referai ma valise pour le retour. Je souhaite dans un futur très proche voir un Bénin avec des citoyens prospères, un Bénin avec un jeune président en 2016, un visionnaire, un patriote, un homme de valeur et de principe entouré de gens intègres qui n’auront à cœur que le développement du pays dans son ensemble et non celui de leur village ou de leur clan.

Copyright : Esckil AGBO / Dekartcom.net – Octobre 2015

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