Quand on finit de parcourir les cent cinquante-deux (152) pages du dernier livre intitulé Le hiatus de la romancière béninoise Sophie Adonon, parue en juillet 2014 aux éditions Edilivre en France, on se pose deux questions. L’auteure dénonce-t-elle la sorcellerie ou l’enseigne –t-elle ? D’abord le mot hiatus, l’intitulé du roman, relève de la métaphore. Le hiatus est une figure signifiant un groupe de deux voyelles ou de deux éléments vocaliques contigus, situé à l’intérieur d’un mot ou à la finale d’un mot et à l’initiale du mot qui suit, qui est prononcé séparément.
Il désigne ici « les rapports humains intangibles dans le cas de figure où ce lien se trouve vicié par la sorcellerie ». Dans le livre, Sophie Adonon a donc abordé la sorcellerie, une réalité qui sévit en permanence en Afrique et singulièrement au Bénin. Elle emmène son lecteur, à travers des mots bien sélectionnés prenant corps dans des phrases savamment structurées, au royaume secret des sorciers. Le nouveau livre de la romancière béninoise, résidant depuis plus de vingt ans en France raconte, en effet, l’histoire de trois amies, une Béninoise, une Burkinabè et une Ivoirienne vivant toutes en France. Le quotidien de chacune d’elle est un véritable combat. C’est une série de tragédies, de drames, d’événements malheureux qui ont occupé tout leur séjour au « pays des Blancs ». Cela a d’ailleurs été soldé par la mort de l’une d’entre elle (l’Ivoirienne). Cherchant à savoir plus sur ces épreuves à ne pas en finir, elles découvrent que leurs interminables malheurs sont provoqués par la sorcellerie. Des hommes et femmes dont elles ignorent les identités ont fait obstacle à leur épanouissement nonobstant leurs hautes études. Mais, sont-elles parvenues à découvrir la vérité?
La réponse à cette préoccupation, le chroniqueur vous en épargne pour l’instant. Cependant, il vous exhorte à reconnaître les langages de vérités contenus dans ce roman. La magie noire y est parfaitement décrite, décortiquée de sorte que le lecteur comprendra vite la sorcellerie même s’il n’en a jamais entendu parler. Le lecteur, en lisant Le hiatus, même s’il n’a jamais mis pieds dans l’ancien Dahomey où sévit à grande échelle ce fléau, aura une vue claire sur la sorcellerie. Quelques passages l’illustrent si bien. On peut lire à la page 13 « La sorcellerie est une manière lâche et secrète de nuire à son prochain ou de le tuer en toute impunité » ; « c’est un virus qui tue plus que le sida, mais non nul chercheur ne se préoccupe, dans aucun laboratoire ». Ou encore plus loin, à la page 23, Sophie Adonon pense : « ancêtre du réseau internet, la sorcellerie tisse une toile cabalistique dont elle couvre la planète entière ». Outre ces significations attribuées à la magie noire, l’auteure peint son livre de manière à rappeler aux uns et aux autres certaines réalités de la société béninoises. Des expressions en « Goun » et « Fon », deux langues nationales parlées au Sud du Bénin ont été utilisés dans le livre. C’est cela qui fait l’authenticité culturelle de cet ouvrage, très réaliste sur un mal qui ronge, ruine et aliène le continent berceau de l’humanité. Loin d’être une simple dénonciation de la sorcellerie, Le hiatus constitue un support de l’enseignement de l’histoire de la magie noire au Bénin. Le lecteur y découvrira, comment la sorcellerie anéantit l’essor social d’un individu ; comment les thaumaturges se réunissent pour nuire de simples innocents ; comment les sorciers dominent l’univers.
Le hiatus, c’est humblement, l’écriture féministe qui a, en elle, une bonne partie de l’histoire du Dahomey d’hier.
Esckil AGBO