L’artiste contemporain est un nomade multiculturel

L’Afrique se libère de l’hégémonie de l’art contemporain occidental pour trouver sa propre voie et se redonner un nouveau souffle. Il faut concevoir la démarche de ses artistes comme un mode de pensée et de création où l’organisation n’est pas hiérarchique mais horizontale dont la pratique peut ne pas avoir de centre et interroger aussi bien la peinture que le cinéma, la philosophie, les sciences ou le langage…

Les artistes africains se distinguent de plus en plus par leur originalité et leur démarche. Rafiy est l’un d’entre eux.

 

Cet artiste peintre béninois vit et travaille à Cotonou. Sa recherche artistique est axée sur la mémoire.

Son intérêt est marqué par les problèmes identitaires ainsi que des références concrètes à l’histoire de l’art africain et aux personnages historiques.

 

Sa peinture en témoigne admirablement. Et si les couleurs sont si riches, si puissantes, ce n’est peut-être qu’une tentative pour cicatriser toutes ces blessures et montrer combien l’Afrique sait rester belle malgré toutes ses difficultés socio-économiques.

Ses œuvres révèlent sa créativité et sa fougue. On peut ainsi admirer sur de grands formats un déchainement de couleurs, de formes, de matières, d’écrits mélangeant le yoruba, le fon, l’arabe, le français ou des chiffres qui sont en fait des numéros de téléphones portables, clin d’œil à notre époque où nous sommes envahis de chiffres comme autant de hiéroglyphes signifiant notre identité… Dans ce tourbillon de pistes diverses, des silhouettes ou des visages figés comme des masques vaudous se laissent parfois deviner.

 

 

Rafiy dit travailler dans « le bruit du monde » et explique « être très influencé par l’actualité. Au-delà de la forme esthétique de sa peinture, on comprend alors tout le contenu social de ses œuvres. Car la rue est son terrain de prédilection où il puise toute son inspiration… Les enfants, la pauvreté, les trafics de pétrole et autres, les graffitis sur les murs, les conflits interreligieux, les événements tragiques engendrés par ces kamikazes urbains qui sont en fait des vendeurs d’essence kpayo…. Spectacle quotidien qu’il retranscrit sur ses toiles comme autant de témoignages du monde contemporain dans lequel il doit lui aussi lutter et évoluer pour y trouver sa place, pour s’exorciser et se libérer. Sa peinture montre tout cela. Et si les couleurs sont si riches, si puissantes, ce n’est peut-être qu’une tentative pour cicatriser toutes ces blessures et montrer combien l’Afrique sait rester éclatante de beauté malgré toutes ses difficultés.

Pour Rafiy, l’Afrique a beaucoup à offrir au monde. Elle est une archive énorme et une source inépuisable d’inspiration pour le reste de l’humanité. A travers notamment le cubisme, elle a profondément influencé l’art occidental.

 

L’art est universel. A l’instar de beaucoup d’artistes africains, Rafy, peintre béninois, s’inscrit dans cette universalité. Sans complexe et sans renier son africanité, il la revendique. La création artistique contemporaine est aussi l’apanage de l’Afrique

A ce sujet, un débat sur « L’art et l’artiste africains aujourd’hui. Enjeux, défis et perspectives » abordera quelques questions pointues : la démarche artistique contemporaine ; l’identité africaine ou universelle de l’artiste ; les rapports entre artistes et collectionneurs ; la question de la réappropriation patrimoniale pour l’Afrique … Organisé en partenariat avec Mundus Imaginalis, par l’Université populaire africaine en Suisse (UPAF.ch), à la Maison des Associations à Genève, le mercredi 23 septembre ce débat confrontera les points de vue, de Rafiy ainsi que ceux des Genevois Dr Martin Sigam (Cameroun, grand collectionneur d’art africain ; sous réserve) et Ousmane Dia (Sénégal, artiste-plasticien ; sous réserve)

 

Par cette entrée en matière, à travers l’UPAF, l’exposition à laquelle nous vous convions pour l’honorer de votre précieuse présence, saura gagner à vos yeux en lisibilité et en intérêt. Vous pourrez mieux découvrir ce nomade multiculturel mais également multidimensionnel. Dans son pays, il s’implique beaucoup pour promouvoir un autre rapport à l’art ainsi que dans des projets renforçant les capacités d’artistes pleins de talent mais souvent démunis.

Ce jeune artiste vaut vraiment le détour.

 

Parissa de Montenach