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Interview à Eric Gbèha dans le cadre de la Fête Internationale de la Musique « Il y a un problème d’équipe qui se pose au niveau des artistes béninois »

Approché dans le cadre de la fête internationale de la musique, Eric Gbèha recentre le débat sur les défis que les artistes doivent relever pour le rayonnement de la musique béninoise. Tout en reconnaissant le mérite de certains qui émergent, cet expert de la musique, reste toute de même rigoureux sur la délicate question de la structuration des artistes béninois.

Fête de la Musique

Fête de la Musique

Au regard du niveau de la musique béninoise,  que doit faire le Bénin, ce 21 juin 2014 ? Fêter ou réfléchir ?
Le 21 juin prochain, c’est la fête internationale de la musique et comme il y a des musiciens au Bénin, c’est normal qu’on célèbre cette journée. Mais au-delà de la fête, il convient de réfléchir et de se poser des questions sur un certain nombre de choses et de voir réellement le niveau qu’occupe notre musique. En faisant un état des lieux, on pourrait se demander si aujourd’hui, nous avons des résultats et des indices qui nous permettent de dire que la musique béninoise évolue ? Mon avis est claire là-dessus. Il y a beaucoup de musiciens aujourd’hui au Bénin, mais ils sont très peu qui arrivent  véritablement à émerger. Il y a certains artistes qui émergent dont Sessimè, Ignace Don Métok etc. On peut dire qu’il y a des talents certes, mais nous avons de véritables problèmes de structuration au niveau de ces artistes  là, qui doivent repenser leur carrière. Ils doivent être formés par des professionnels de la musique et aussi nous devons avoir une politique à l’international. Et quand je parle de l’international, ce n’est pas l’Europe, ce n’est l’Amérique tout de suite. Il faut que les artistes se fassent un nom en accumulant des expériences dans la sous-région avant de frayer un chemin à l’international. Mais ce que nous remarquons aujourd’hui, c’est que ces artistes veulent tout de suite aller en Europe ou aux Etats-Unis. Et non, il faut qu’on travaille, qu’on ait une équipe, des musiciens, un album et après on se fait identifier en participant à des évènements régionaux afin d’avoir des ouvertures à l’international.

Quel doit-être donc le profil d’un artiste béninois qui veut conquérir le monde ?
D’abord, un artiste, c’est un produit. Et pour vendre un produit il faut forcément un client. C’est quelqu’un qui doit être présentable et qui dégage une certaine vibration attractive. Il faut qu’il ait du charisme, du talent et qu’il ait la capacité de sortir de belles mélodies. Et si vous avez une bonne équipe qui vous entoure, ça devient très facile. Une équipe, c’est les managers, les éditeurs, des producteurs et ses musiciens. Et c’est tout cet ensemble qui encadre afin de te donner un véritable potentiel pour se vendre à l’extérieure. Au Bénin on remarque que les artistes de plus en plus, ne font plus une musique vivante. Ils font de la musique à l’aide d’un ordinateur et quelques logiciels. C’est de la musique urbaine qui a quitté les Etats-Unis et qui a conquis l’Afrique toute entière et on prend cette musique comme une musique de référence. Le problème c’est qu’on n’a pas de marchés pour ces musiques là. La plupart de ceux là qui s’adonnent à cette musique, quand vous les interroger aujourd’hui, ils vous diront qu’ils ne vendent nulle part et ils ne trouvent même pas à jouer. Mais prenez l’exemple du Benin, il n’y a qu’un seul festival de hip hop pratiquement et c’est cet événement que ces artistes là, attendent pour s’exprimer, pour se faire valoir. Or en réalité, quand vous êtes musicien, vous êtes compositeur, vous êtes artiste en général, c’est comment faire pour bien vivre de votre musique et faire vivre l’équipe qui vous entoure de façon décente qui doit vous préoccuper. Et cela suppose, qu’il faut avoir un produit vendable un peu partout. Même les produits que nous avons aujourd’hui, de musique moderne que les artistes composent ne peuvent pas s’exporter aux Etats-Unis parce que ce n’est pas fait dans des conditions professionnelles. Même en Europe ça cause des problèmes. Maintenant si dans le lot il y a un comme Dibi Dobo qui arrive à émerger, c’est bien. Mais le bilan aujourd’hui même au niveau de cet artiste, «  je précise que j’aime bien parce qu’il a eu la chance de se faire encadrer par un professionnel », est-ce qu’il peut dire aujourd’hui qu’il est très content de son métier ? Mis a part le fait qu’on le voit aujourd’hui à la télévision, est ce qu’il peut dire qu’il est épanoui véritablement ? Moi je pense qu’il faut essayer de percer l’abcès, comprendre réellement et se rapprocher de ces gens là pour savoir s’ils sont contents de leur musique, s’ils sont contents du résultat obtenu aujourd’hui ; est ce qu’ils vivent véritablement de leur musique malgré cet encadrement là ? Il y a un travail de professionnalisation à abattre au Benin. A part le talent il y a, comme je le dis toujours, un encadrement technique par les professionnels de ce métier pour éclore les talents.

Le Bénin est toujours représenté par un artiste musicien au Festival Africa Fête dont la 10ème édition démarre le 26 juin prochain à Marseille. Quel est aujourd’hui le bilan au niveau de la participation de ces artistes béninois ?
Africa fête est le seul festival africain aujourd’hui qui est itinérant qui se déroule au Cameroun, au Sénégal, au Bénin et cette année, à Marseille. C’est une véritable plateforme pour faire tourner les artistes africains en général et béninois en particulier. Beaucoup d’artistes béninois Zenab, Fallyssa en ont profité. Sessimè aussi depuis l’année passée qui est partie au Sénégal et va jouer en septembre prochain à Cotonou. Le groupe Teriba qui cette année ira à  Marseille dans le cadre de la 10ème édition d’Africa fête. En fait on essaie de donner cette chance là aux artistes béninois pour tourner sur ce festival. Et ça c’est grâce à l’implantation du festival Africa fête à Cotonou. On essaie de mener le combat afin que cela puisse profiter aux artistes béninois et le résultat est quand même clair.
L’objectif que nous sommes en train de viser dans le cadre de ce festival, c’est qu’en plus de leur offrir cette possibilité de tourner sur le festival  Africa fête, qu’on leur permette également de signer des contrats avec des maisons de disque. Et dans le cadre du festival Africa fête prochain a Cotonou, nous allons faire l’effort d’inviter José da Silva, qui est le patron de la plus grosse boite de world musique au monde. Il a donné son accord parce que nous militons dans la même organisation (Bureau export de la musique africaine). Il sera à Cotonou en 2015 et va découvrir tous ces talents et pourra leur offrir la possibilité, pour les meilleurs en tout cas, d’être pris par son label, et par ricochet celui qui est le partenaire direct du festival Africa fête.
Donc c’est la deuxième phase de notre stratégie. Après la tournée donc il faut leur trouver des maisons de disque. Brièvement, on peut dire quand même que Africa fête est en train d’apporter quelque chose quoique ce n’est pas toujours facile d’organiser les événements dans notre pays, parce que c’est très compliqué. Un événement international, vous savez que ce n’est pas de la blague ; ça vous prend des mois. Et si vous n’avez pas les moyens qu’il faut pour faire une grande politique, c’est très très compliqué. Mais c’est un défi qu’on s’est lancé afin d’offrir le peu d’expertise que nous avons à ces artistes béninois qui en ont besoin.

Est-ce que les artistes béninois qui avaient pris part à Africa Fête, étaient tous à la hauteur du festival ?
Je dirai qu’il y a beaucoup qui se sont démerdés, mais nous avons l’impression qu’ils ne sont jamais totalement prêts avant d’aller sur ces événements. Et pour cause ce n’est pas toujours les artistes qui ont une équipe fixe. Il y a tout un problème de stabilité au niveau de la formation de l’artiste et ça ne fait sérieux. Car, lorsque vous signez des engagements avec des amis, vous présentez une liste et deux mois après on vous présente une autre liste, ça ne donne pas une bonne image et ce sont des billets d’avions achetés en amont qui sont gaspillés. Il y a un véritable problème d’équipe qui se pose à leur niveau. On a constaté que c’est les mêmes musiciens qui jouent derrière tous les artistes. Vous avez un festival aujourd’hui, vous allez voir que tel guitariste à jouer derrière tel artiste et encore il joue derrière tel et tel autre. Finalement, on se demande si ces artistes qui émergent, sont de véritables artistes de scène ? Et vous allez constater qu’ils sont prêts pour le playback parce que là c’est plus facile. Mais quand on les appelle pour un concert live, ils ont des problèmes parce que déjà les artistes musiciens qui les accompagnent leur créent tellement de difficultés. On leur dit qu’il faut payer les répétitions, les frais de déplacement, il faut payer tel cachet. Donc ce n’est pas des artistes qui ont des musiciens. Et ça c’est un véritable problème. C’est des ‘’jameurs’’ qui les entourent et deux jours après ils sont obligés de faire avec les plus disciplinés. Les musiciens béninois doivent comprendre une chose ; il faut nécessairement qu’ils fédèrent leurs énergies autour de ces artistes afin de constituer une équipe, parce qu’un artiste ne peut pas évoluer seul. De la même manière, qu’on sollicite les chanteurs pour aller donner des playbacks, moi je pense qu’il faut décourager cela, afin qu’à chaque fois qu’on les appelle, qu’ils puissent à leur tour exiger la présence de leurs musiciens. Ceci pourrait leur créer des emplois afin qu’une certaine dynamique soit installée autour de la musique béninoise.

Votre mot de fin
Je remercie la plateforme www.dekartcom.net qui m’a fait le plaisir de m’interviewer dans le cadre de la fête internationale de la musique. Je demande à tous les artistes musiciens béninois de faire l’effort de croire en la musique. C’est un métier très difficile. Mais il faut qu’ils croient en la musique et qu’ils se professionnalisent afin qu’on puisse, nous acteurs de développement de cette filière, leur donner le maximum de coup de main. Je demande aussi aux gouvernants de faire l’effort de croire aussi en la musique parce que si le Nigéria est devenu la plus grande puissance économique de l’Afrique, la musique et la culture en ont beaucoup contribué. Tant qu’on ne va pas penser mettre assez d’argent et avoir de grandes ambitions pour développer l’art et la culture en générale et la musique en particulier, au Bénin et qu’on se focalise exclusivement sur le coton (évidemment, nous ne sommes pas contre cette politique), mais il faut faudrait qu’on puisse savoir que ce que nous allons à vendre, c’est la musique, c’est du théâtre, les arts plastiques, et il faut y mettre beaucoup de moyens. Ce n’est pas investir 100 millions ou 200 millions Fcfa dans un évènement qui est la solution. Il y a des collègues à nous au Maroc qui ont des évènements culturels avec trois milliards de budget financé par le gouvernement marocain. Il faut donc qu’on ait cette sorte d’ambition pour le bénin pour que rayonne la culture béninoise.

Interview réalisée par Henri MORGAN

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