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Cote d’Ivoire – Lacina Coulibaly : «Rien n’est dépassé, il y a un devoir en tant que créateur africain »

La compagnie « HakiliSigi» présente au MASA 2020, « Sen koro la». Une création de danse qui vient vulgariser une conception de la contemporanéité dont l’Afrique a plus besoin, selon Lacina Coulibaly, l’auteur de la création. Il en parle.

Vous êtes au MASA avec une création de danse qui visiblement présente une autre dimension de ce qu’on pouvait appeler danse contemporaine. Dans quelle catégorie vous vous situez ?
J’évite d’identifier mon travail comme la danse contemporaine. Je vais beaucoup parler de création chorégraphique parce que pour moi, une création, ça stimule d’abord la recherche. Regardez par exemple l’idée de cette nouvelle forme de danse que tout le monde appelle danse contemporaine.Même au niveau de l’Afrique, beaucoup pensent que c’est ce qui est européenne.Pour moi, contemporaine, ça veut dire aujourd’hui. Quand on parle de modernité ou de contemporanéité, je vois l’idée de développer quelque chose. Alors, en Afrique, comment on pourra développer la danse sans s’inspirer de la tradition.C’est déjà problématique.Le patrimoine qui est là, comment on le présente d’une autre façon ; ce qui n’était pas accessible comment on le rend accessible.

« Sen Koro la » est votre façon de répondre à cette problématique ?
« Sen Koro la » veut dire « sous nos pieds ».C’est une métaphore pour parler du patrimoine, de cette diversité culturelle qu’on a en Afrique. Autrement, « S’en Koro la », c’est, pourquoi aller chercher ailleurs des choses qu’on a sous nos pieds ? Pourquoi ne les utilise-t-on pas ? Dans le spectacle, je suis allé puiser des symboliques en Afrique. Par exemple chez les Dogon au Mali et chez les Béninois, le serpent à une place très importante. Il y a des mouvements qui sont partis de là. Il y a des mouvements aussi où j’ai écouté beaucoup de musiques traditionnelles d’Afrique que beaucoup de danseurs contemporaines n’aiment pas utiliser.Ils disent que c’est la tradition, que c’est dépassé ?

Vous ne partagez donc par cette opinion ?
Rien n’est dépassé au niveau de la création. C’est au niveau de la créativité de l’artiste qu’il change tout. Ça veut dire que nous avons le pouvoir de valoriser des choses. Il y a comment l’artiste le met dans le conteste présent ; comment il renouvelle ça ?Il y a des questionnements qu’on pose. C’est comment on répond.Pour moi, poser des questions, c’est, des trucs qui existent déjà comment on les présente ?

A propos, vous abordez dans « Sen Koro la », le symbolisme aussi des masques. Que défendez-vous ici ?
Dans cette création, je me suis inspiré beaucoup plus des rituels de masque, puisque je sais que le masque n’est pas accessible en Europe. En Europe, quand on parle de masque, on voit seulement les trucs qui sont sculptés pour plaire aux yeux. Ça, ce n’est pas la fonction du masque. Chez nous, ce n’est pas pour admirer. Le masque a des fonctions beaucoup plus profondes.C’est une divinité, un esprit, un pasteur, un guide à la porte du visible et de l’invisible. En Europe, quand on visite les masques, on voit que tout est oublié. Pour moi, il y a un devoir en tant que créateur africain à valoriser ces choses pour dire :“non, vous êtes en train de dévaliser certaines choses,il y a quelque chose qui manque”. Il n’y a pas à me plaindre. Au lieu de me plaindre, c’est dire, qu’est-ce que je fais pour rattraper ça ? Et pour moi, c’est ça la création. Il faut qu’on s’y mette. Qui pourra mieux parler des Africains que les Africains ? Il y a beaucoup de choses à étudier en Afrique qu’on n’étudie pas. On préfère aller étudier en Europe ce qui a été appris en Afrique. La source est toujours là. Il y a une partie qui s’est effacée mais il y a une grande partie qui reste encore.Qu’est-ce qu’on fait ? Si on ne les récupère pas, on va les perdre. C’est ça « Sen Koro la ».

 

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