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De la gauche vers la droite, Nathalie Hounvo-Yékpé et Florisse Adjanohoun. Photo prise par Tognidaho lors MASA 2020 - Abidjan

Tel un tableau, Elisabeth et Matilde peignent le quotidien morose des africains sous l’emprise de leurs dirigeants politiques, à travers « 25 décembre », pièce présentée au Masa (Marché des Arts du Spectacle d’Abidjan) 2020 par la compagnie « Tout Gran Théâtr Djogbé » du Benin. Une pièce écrite et mise en scène par Didier Sèdoha Nassègandé.

Le 25 décembre fait penser à la fête de Noël, un jour où l’on chante la venue du Christ, le messie ou encore le Sauveur du monde. Et pourtant les croyances sont différentes. Pendant que certains y croient fermement faisant de cette date une célébration chrétienne, d’autres l’attribuent à la fête du dieu soleil Râ. « 25 décembre » nous transporte dans un univers hautement spirituel que matériel, avec des lampes qui viennent certainement nous rappeler que le christ est la véritable lumière du monde.

Mais aussi que chaque 25 décembre, ce sont des jeux de lumières qui entourent le sapin de Noel. Une scénographie hautement éclairée marque cette écriture. Au total, 40 lampes au néon, 06 lampes rondes incandescentes et des cierges ont été utilisés pour la réalisation de cette expression lumineuse. L’instrumental du morceau ‘’Antigel’’ de Toumani Diabaté en fond sonore est une musique chargée, elle aussi, d’une certaine spiritualité tellement les notes sont énergétiques ajoutant un aspect céleste à l’ensemble. Moussa DICKO et Brado Birlain GRIMAUD à la régie lumière et son, utilisent ainsi les jeux de lumière et la musique pour présenter clairement les deux actrices dans leur rôle ; l’une vers le chemin de la lumière et l’autre vers un chemin moins lumineux.

Cependant quand l’on revient à la réalité, c’est bien plus qu’un simple 25 décembre. Dans ce 25 décembre-ci, Elisabeth et Matilde (Nathalie Hounvo-Yékpé et Florisse Adjanohoun) traitent de sujets qui minent nos sociétés africaines et les rongent de l’intérieur. Sur scène, les deux comédiennes s’opposent, s’affrontent, se bousculent… Tandis que l’une pense qu’ici est meilleur, l’autre quant à elle croit que tout peut changer et que tous vivraient dans un monde parfait, où la liberté ne serait plus un simple mot vide de sens.Elisabeth porte la parole de la ruse politicienne. Matilde, elle, se veut la voix des sans voix, du peuple opprimé. Elle devient ainsi prisonnière politique réclamant la justice, refusant de se résoudre au silence.

Ce 25 décembre-ci est fait d’opposition et de contraste. De la rencontre de deux amies devenues ennemies. Toutes les deux tenues et tendues par des enjeux. Elisabeth qui se conforte dans sa position de première dame négocie et essaie d’arracher Mathilde de son silence. Élisabeth et Mathilde, la première dame et la prisonnière politique sont les deux faces d’une même pièce de monnaie, l’envers et le revers, porteuses de contradictions et de désir de domination, d’affranchissement et de liberté. Des thèmes si actuels et si poignants.

A la fin du spectacle, l’on pourrait se demander comment le 25 décembre est-il devenu une date planétaire, faisant croire à la naissance d’une divinité suprême ? Serait-ce une invitation qui nous amène à surpasser cette croyance que tout le monde accepte sans contestation ? Et pourtant dans ces lieux de culte, une autre réalité, un autre spectacle qui s’offre à nous. Ces lieux où des voix mélodieuses s’élèvent, pour transporter nos supplications vers le Père créateur, sont devenus des couloirs du sexe, de la débauche et de la fornication.

’’25 décembre’’ est plus qu’une sensibilisation. Il vient juste à point pour nous sortir de notre état de somnolence et nous fait prendre conscience de notre monde. Le spectacle appelle à un éveil de conscience collectif. Car au-delà d’une simple date qui s’impose à nous comme date planétaire, ’’25 décembre’’ nous montre l’être humain et ses engagements, l’être humain et ses choix, mais surtout l’être humain et son environnement.

Magnificate Loba (Stagiaire / Côte d’Ivoire)
NB : Article produit dans le cadre de la 1ère session de la formation en critique d’art organisée par l’Agence Panafricaine d’Ingénierie Culturelle – APIC

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