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Sonia Damala, Styliste béninoise : «La mode le parent mort de la culture  béninoise »

La jeune styliste béninoises Sonia Damala

La jeune styliste béninoises Sonia Damala

Styliste béninoise autodidacte, Sonia Damala, en novembre 2013, a été lauréate du premier prix du jeune styliste au Festival International de la Mode Africaine (FIMA). Dans cet entretien, elle passe en revue l’état actuel de la mode au Bénin et parle de ses ambitions.

L’intégralité de l’interview, c’est dans les lignes à suivre

Dekartcom : Sonia Damala, on vous connaît, titulaire d’une maîtrise en Banque et Finance. Aujourd’hui, vous êtes styliste. Expliquez- nous la transition qui s’est opérée.

Sonia Damala : J’ai travaillé dans une société de courtage Africa Bourse en même temps, j’animais l’émission de mode «Viva la moda» sur Canal3. J’ai eu la chance d’approcher les grands patrons de la mode tels que Alphadi, Imane Ayissi et de grands créateurs ghanéens. A un moment donné, la télévision m’attirait plus que les banques et finances. La télé me prenait plus de temps ; j’ai été confrontée à un dilemme, j’ai dû déposer ma démission à la banque et continuer avec la télé. Puis, après je me suis consacrée entièrement au stylisme.

Le styliste, c’est qui ?
Il existe plusieurs types de stylistes : styliste vêtements, styliste intérieur maison, styliste voiture; mais moi je suis styliste vêtements. Le styliste vêtements est celui qui dessine les vêtements ou qui propose une gamme, une série d’articles vestimentaires, d’une catégorie donnée à une catégorie de personnes, avec un style qui plaît qu’il pense pouvoir faire adopter au public.

Vous êtes donc créatrice de mode. Parlez – nous de vos créations
Je suis jeune, j’aime le chic. Je fais des vêtements de mode, il faut suivre la tendance quand on est dans un milieu. Je satisfais les gens qui aiment porter les derniers vêtements à la mode.

Le couturier, le modéliste, le confectionneur, le styliste, l’habilleur, et le designer sont des acteurs de la mode. Où se situe votre travail dans cette chaîne ?
Le styliste dessine les modèles, il oriente le cheminement à suivre. C’est lui qui crée, et sait les accessoires qui vont avec chaque modèle.
Le styliste s’occupe des moindres détails, couleurs de la fermeture, du bouton, les dentelles ou les accessoires qu’il faut.

Le styliste n’est pas forcément celui qui coud les vêtements; mais il y a des gens qui cumulent beaucoup de rôle à la fois, mon travail s’arrête à celui du styliste. Le stylisme est un travail de chaîne et d’équipe.

Quand on parle de stylisme, il faut le couturier, les mannequins et surtout l’esthétique. Après le travail du styliste, le confectionneur ou le couturier coupe et assemble le modèle pour donner ce qui a été dessiné par le styliste.

L’habilleur, quant à lui est comme un consultant; c’est celui qui vous apprend à rester dans la tendance. Le designer est un mot anglais ‘’fashion designer’’ qui désigne le styliste.

Quelles sont les tendances en vogue en stylisme? Tout le monde a-t-il accès au service du styliste? Quel est le style de Sonia Damala?
Les couleurs en vogue constituent la tendance: violet, rouge, jaune, orange. Pendant les fashion – week, tous les stylistes suivent cette tendance.

Le tout ne suffit pas de rester au Bénin pour dire qu’on est styliste. Il faut un brassage ; il faut sortir du pays pour découvrir de nouvelles choses. C’est le style afro -moderne qui marche, même les Européens l’ont compris.

Evidemment que tout le monde ne peut avoir accès au service du styliste parce que le styliste coûte un peu plus cher que le couturier. Cependant, il y a des couturiers qui veulent combiner les deux fonctions, le styliste, c’est le luxe vestimentaire, le styliste rend unique, différent. Il fait un travail exceptionnel.

C’est le style qui identifie le styliste, mon style c’est la broderie de perles.

Quand on parle de culture, beaucoup de personnes, au Bénin la limitent à la musique et à la tradition. Votre travail le dément-il ?
Nous avons nos styles vestimentaires, nous pouvons les recréer et les vendre à l’extérieur. Aujourd’hui, quand tu vas au ministère de la culture et tu parles d’un défilé de mode, on te dit qu’il n’y a pas de sous. Le fonds d’aide à la culture s’occupe beaucoup plus de la musique que du stylisme, ce qui fait qu’aujourd’hui au Bénin on n’a pas de fashion- week. C’est dommage parce que le vêtement est quand même une marque de l’identité culturelle d’une personne. La mode est le parent mort de la culture béninoise, la mode est orpheline et personne ne s’y intéresse pourtant notre ministre adore s’habiller chic.

Quel avenir pour le styliste béninois?
Aujourd’hui, nous l’avons tous compris, il faut consommer local, il faut développer son pays mais s’il n’y a aucun soutien, on tourne le regard vers l’extérieur.

C’est ce que beaucoup font, on cherche des opportunités dans d’autres pays où votre

l'une de ses créations

l’une de ses créations

travail est reconnu et apprécié. Mais si tu insistes, il y a toujours quelqu’un qui finit par vous écouter ; il y aura plus d’avenir si les autorités béninoises ouvrent les yeux en organisant les festivals de mode.

En 2013, vous avez été lauréate du premier prix du jeune styliste au FIMA. Parlez- nous de cet événement
Le FIMA est un événement de grande envergure. Il faut être au top pour y parvenir. En tant que styliste, c’est le genre d’activité à laquelle il faut participer. J’avais participé au FIMA en tant qu’animatrice, je faisais des reportages pour le compte de l’émission «Viva la moda», ALPHADI était partenaire sur l’évènement il voulait que je diffuse l’évènement sur l’émission.

Dans le temps, moi, je faisais des collections que je vendais. J’avais déjà ma petite clientèle, ma page facebook. J’ai découvert qu’il y avait une catégorie concours jeune styliste. C’est après cela que je me suis inscrite. Mes objectifs, c’était un plan de carrière pour me faire connaître du grand public.

C’était la première fois, le Bénin participait à un pareil événement de mode de façon officielle parce qu’il y avait une styliste qui avait participé au FIMA mais elle était de la diaspora. Donc, on s’était dit qu’on devait mettre les bouchées doubles, il était important qu’on retienne le nom du Bénin. C’est ainsi que je suis allée au FIMA en 2013 et j’ai remporté le premier prix.

J’ai été très fière d’avoir gagné ce concours où il y avait beaucoup de pays : la Côte-d’Ivoire, le Ghana, le Maroc, le Nigeria…

J’étais rentrée au Bénin, fière d’avoir vendu le Bénin comme il faut. A ce festival, j’ai présenté une collection qui parle de mon pays de mes origines.
Il faut noter que le gouvernement ne nous a même pas accompagné avant, pendant ni après le festival.

En Afrique on ne saurait parler de stylisme sans évoquer le nom de l’icône de la mode africaine Alphadi, le fondateur du FIMA. Quels sont vos rapports avec lui.
Alphadi est un Africain, il a beaucoup travaillé pour changer les mentalités au Niger. Regardez un pays comme le Niger qui organise et finance (logement hébergement, transport…) un festival international de mode qui réunit tous les continents du monde. Imaginez tout le travail que Alphadi a fait pour en arriver là.

Moi je l’ai connu simple et sympathique, il adore la jeunesse qu’il soutient beaucoup, il veut que la relève soit assurée. Il est sociable, on profite facilement de ses conseils.

Et avec vos collègues du Bénin
La collaboration avec les stylistes béninois est très bien il n’y a pas de concurrence entre nous car nous ne faisons pas la même chose.

Quel regard portez-vous sur le stylisme au Bénin, en Afrique et dans le monde?
Au Bénin, les femmes ont commencé par dépenser de l’argent pour s’habiller. J’encourage cela, le stylisme c’est du luxe. Les stylistes vivent bien de leur travail et il y en a qui sont connus à l’international.

Mais ailleurs, ce n’est pas pareil. La Côte d’Ivoire, le Nigéria, le Ghana n’ont rien à envier au Bénin en matière de stylisme, les femmes courent derrière les stylistes pour être à la mode. Au Bénin, ce n’est pas le cas, le Béninois veut ce qui est beau mais il ne veut pas investir.

Comment se déroulent vos défilés de mode? Vos rapports avec les mannequins?
Les défilés de mode font connaître le styliste. Le défilé de mode est une organisation, j’ai démarré mon travail avec les défilés. A chaque sortie de ma nouvelle collection, je faisais des défilés.

Mon objectif, c’est de créer le besoin avec une clientèle ciblée. Dans l’organisation d’un défilé, Il y a d’énormes dépenses qu’on fait…

Jusque- là, le Bénin n’a pas encore un grand événement de mode au Bénin. Pourquoi cela ?
On n’organise pas de festivals de mode au Bénin. Les gens ne veulent pas donner de l’argent pour financer ces festivals. Pour le moment, si moi je dois vendre le Bénin, je

Sonia, Alphadi et deux autres jeunes stylistes

Sonia, Alphadi et deux autres jeunes stylistes

préfère le faire à l’extérieur car dans mon pays les gens ne s’intéressent pas à la mode. L’argent est là mais on se demande pourquoi le ministère ne veut pas financer les festivals de mode.

Outre cela, rencontrez- vous d’autres difficultés ?
Dans tous les domaines, il y a toujours des difficultés. Nous avons des difficultés liées à la clientèle : les clients sont indécis, difficultés à trouver des financements, difficultés avec les couturiers parce qu’ils n’arrivent pas toujours faire ce qu’on veut.

Qu’est- ce que vous faites pour les surmonter
Je reste avec le couturier jusqu’à ce qu’il finisse de faire la coupe. Pour les clients, j’ai déjà trouvé une astuce, je leur fais signer des contrats et on s’accorde avant que je commence mon travail.

Quand je sors du pays, je fais de la communication, on continue à crier au ministère de la culture de nous soutenir ce n’est pas forcément nous donner cinq millions mais, c’est de nous trouver des festivals auxquels les stylistes béninois vont participer.

Vos projets
J’ai en cours la création d’un atelier mais en attendant je fais la vente en ligne. Il faut avoir une clientèle stable avant de créer un show – room. Les festivals à l’extérieur du Bénin m’intéressent.

Réalisation: Inès MISSAINHOUN

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