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Fonds d’Aide à la Culture : vache à lait pour paresseux et intrigants

Florent Couao Zotti, Ecrivain

Le Fonds d’Aide à la Culture, invention géniale des Béninois pour soutenir et promouvoir la création, est un guichet consacré aux initiatives culturelles. Si l’argent qu’il accorde n’est pas une faveur, il n’est pas non plus indispensable aux artistes. Pendant longtemps, les opérateurs culturels s’étaient toujours débrouillés pour obtenir de divers partenaires à l’interne comme à l’externe des soutiens financiers pour boucler leurs budgets et exécuter leurs projets. C’était la belle époque où les Européens disposaient de mécanisme de financements de productions artistiques qui impliquaient le plus souvent le recrutement de leurs propres artistes. Aujourd’hui, de telles possibilités, même si elles existent toujours, se sont drastiquement réduites, la crise ayant poussé les Européens à fermer beaucoup de guichets orientés vers le sud.

Dès lors, tout le monde s’est tourné vers le FAC. D’un milliard, il est passé à trois, puis, cette année-ci, à cinq. Yayi Boni a pensé contenter les artistes en augmentant de façon si spectaculaire le fonds, mais la culture de la corruption qui gangrène le milieu a transformé ce guichet en vache à lait pour paresseux et terrain d’expérimentation pour intrigants et apprentis sorciers. Autant la cagnotte s’est considérablement enflée, autant les projets culturels financés par l’institution ont baissé en qualité.

C’est que le mode d’attribution de ces financements est devenu assez permissif et une mafia de pseudo-artistes s’est emparée de la manne. Je suis expert dans l’institution et tous les projets que j’ai jugés non viables, peu pertinents, pour ne pas dire mauvais, que d’autres collègues experts ont noté de la même façon, ces projets se sont retrouvés régulièrement en haut de l’affiche, sélectionnés et financés. D’ailleurs, lesdits projets, comme tant d’autres, ont rarement connu heureux aboutissement. Pas de suivi, ni d’évaluation. Et dans presque tous les secteurs, les mêmes constats d’échec s’imposent à vue: des performances sont annoncées, mais jamais réalisées; des résidences de création sont financées, mais jamais organisées; des initiatives sont soutenues, mais jamais elles n’ont vu le jour.

Mais il y a pire. Certains projets, introduits par des noms d’emprunt, bénéficient de grosses subventions. Et si le « nom d’emprunt » veut jouer aux grippe-sous, on lui flanque un gardien qui se charge de le marquer à la culotte jusqu’à ce qu’il allonge la monnaie.

Cette façon de faire a fait des émules et est devenue la norme. Beaucoup d’artistes qui bénéficient du soutien du Fonds, sont harcelés, menacés quand ils ne concèdent pas les vingt, trente et même quarante pourcent du financement accordé. D’ailleurs, pour être sûr que ces pourcentages ne leur échappent, ils sont suivis à la banque par des klébés dévoués corps et biens à leurs commanditaires. Dès encaissement des sous, ils sont aussitôt délestés de ce qu’ils estiment revenir à leurs chefs. Ceci, parfois avec une violence qui frise le braquage. Résultats des courses: près de quatre-vingt pour cent des projets financés par le FAC ne sont pas menés jusqu’au bout. Ou, quand ils le sont, c’est avec des bouts de ficelles, c’est-à-dire mal faits avec une qualité médiocre. Comment peut-il en être autrement quand le mode de désignation des administrateurs est si tronqué ?

Car, en matière de tricherie, le Béninois, qu’il soit artiste ou non, dispose d’une ingénierie pouvant dépasser l’entendement. Si les artistes sont censés élire l’un des leurs pour siéger en tant qu’administrateur, certains prétendants sont capables d’aller chercher du bétail électoral jusque dans leurs grottes natales. S’il s’agit, au contraire, que les associations seules votent pour leurs représentants, les voilà suscitant la création de cent, voire, de mille associations pour les besoins de la cause. Et s’il était décidé que les élections se feraient par les fédérations? En moins de temps qu’il ne faut à un humain pour se baisser et se lever, vous les verrez multipliant à l’infini des centaines de fédérations. Pour moins de trois mille artistes au Bénin, des fédérations regroupant à peine deux associations, elles-mêmes composées de deux ou trois quidams, se sont créées à tour de bras. C’est cela le milieu des artistes. Tout le monde le sait. Et tout le monde se tait.

Source : Florent Couao Zotti, Ecrivain béninois

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