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Christelle Yaovi : « Il faut mettre l’art aux programmes scolaires »

Christelle YAOVI de Souza  est une artiste plasticienne, peintre  franco –  béninoise. Il y a beaucoup de temps où  elle s’est lancée dans cet univers   culturel.  Dans cette interview qu’elle a accordée à dekartcom,  elle  parle de cet art qui, au-delà  d’une profession,  la berce tel un enfant.

Dekartcom : La peinture, la sculpture, le dessin, le graphisme, la photographie, la performance, et l’installation. Vous êtes dans quel secteur d’art  plastique?
Christelle Yaovi : Peinture, Dessins, Sculptures, Installations. Peinture: utiliser la peinture à l’huile, acrylique, gouache, pastel comme matière sur un support, canevas, papier, carton… Dessin: dessiner des personnages, des objets, réels ou imaginaires à l’aide d’encre de Chine, de fusain, crayons… Sculpture: le plus souvent du bois que l’on travaille que l’on modèle pour créer soit un personnage, soit une forme qui exprime, représente quelque chose pour l’artiste. On peut également créer des sculptures à partir de marbre, de récupérations, d’argile, de verre…. Installation: un domaine qui interpelle beaucoup  car assez incompréhensif pour certains. Exprimer une idée en mettant en scène différents objets, de toiles, d’écriture … Par exemple lors de l’exposition ’’Le Monde de Sica’’, nous avons présenté une installation commune, qui parle des liens. Pour cela, nous avons utilisé des mortiers et pilons  ainsi que des sculptures en bois, en cordes… Tout nous parlait des liens, piler ensemble, créer ensemble…

Quel est le support qu’utilise l’artiste peintre, votre mode de création ?
Essentiellement des toiles, canevas et également tout ce qui permet de peindre du carton, du bois, papiers…. Il n’existe pas pour moi un mode particulier de création, du moment où j’ai de la peinture à l’huile ma matière préférée, un support, pinceaux, couteaux, doigts et
en toute fluidité ça suit son cours…

Quelles thématiques abordez-vous dans vos œuvres ?
On me parle souvent de thématiques, pourquoi ceci ?pourquoi cela ?  Les humains sont certainement rassurés par ces mots qui casent, une société qui veulent mettre chaque chose dans sa case… Liberté! Mes œuvres me racontent comme elles content la vie … Du présent au passé! J’aime dire que je conte une mémoire collective, un tragique collectif, un espoir collectif. Mes œuvres parlent tout naturellement de toutes les palettes émotionnelles humaines. Joie, pardon, compassion, mutilation, de l’enfer et évidemment de Rêves! L’Art fait vivre les émotions et les Rêves!

Quel est l’objectif que vous poursuivez en peignant? En quoi consiste le travail d’un artiste – peintre ?
Le travail d’une Artiste Peintre? Faire danser ses pinceaux, donner vie à ce qui se terre au fond de ses tripes, de son Âme… Je ne parlerai pas d’objectif, plutôt d’une évidence, d’un besoin vital d’utiliser matière pour dire, pour interroger, pour bousculer les habitudes, les certitudes… Un besoin d’être en dialogue. Dialoguer avec le monde. Une danse sans fin.

Quelle est  votre  source d’inspiration?
Toutes mes interactions, mes échanges avec les autres m’inspirent. Les Histoires de Femmes m’inspirent. Tout ce qui m’entoure m’inspire! Un sourire m’inspire! La souffrance, tout ce qui nous lie les uns aux autres m’inspire! Mon histoire ou l’actualité m’inspire!

Comment êtes-vous arrivée à l’art? Et comment votre entourage l’a accueilli? Votre parcours jusqu’à ce jour.
L’Art est une évidence pour moi. Une thérapie et tel un jardin secret pendant 20 ans. Aujourd’hui mon lien avec le monde. Un pas quotidien, une danse pour conter mon histoire, l’histoire de chacun. J’ai commencé en découvrant l’art plastique à l’école, puis continué dans une école, mais il y a eu une forme de rigidité d’esprit que j’ai pu ressentir, j’ai continué seule. Détruisant mes œuvres. Et il y a eu le jour où il était temps pour moi de partager mon monde. Expositions intimistes, timides puis épanouies qui m’ont conduite à la Biennale et vers d’autres horizons.

On dit que l’art ne nourrit pas son homme, mais est-ce que vivez-vous de votre art? Quel avenir pour l’artiste plasticien béninois?
Il est difficile de vivre de son art, c’est une certitude! Les règles particulières qui régissent le monde de l’art… Une jungle… Finalement à l’image de notre société! Beaucoup de travail, du talent ne suffisent pas à vivre de son art, il faut avoir la chance d’être suivi et soutenu par des collectionneurs ou galeries ou certains instituts… Lors de la crise économique, je crois que l’art passe à la trappe. Le courant actuel porte l’art contemporain très haut! Cependant il reste difficile de vivre de son art pour beaucoup d’entre nous! L’avenir de l’artiste plasticien béninois reste prometteur pour moi!

Comment se passent vos expositions au plan national et international?
Mes expositions au Bénin se passent  assez bien. Hormis la biennale j’ai surtout exposé dans des projets perso, j’ai dû trouver des financements, durs… Et aussi des projets avec mes frères Artistes: Meschac Gaba, Georges Adeagbo et Dominique Zinpkè… À l’international, quelques expositions intenses notamment à Azerbaïdjan.

Votre regard sur l’art  plastique au Bénin
L’Art plastique au Bénin bouillonne, foisonne de talent! Malheureusement sans soutien effectif, sans vraie considération outre de l’occident. Et ça c’est franchement triste. Les artistes ont un réel besoin de soutien, ils sont aussi une richesse de leur pays! Et on oublie cette facette! Il faut créer des écoles d’art au Bénin, initier les béninois à l’art!

Rencontrez-vous des difficultés? Comment surmontez ces difficultés?
Etre artiste est difficile! Etre femme artiste l’est encore plus! J’ai fait le parallèle avec une vie de femme! Il y a du machisme et j’en passe. Mon talent reste ma seule réponse! Mon travail est reconnu par des personnes du milieu, ce qui me permet d’exposer, de me retrouver dans divers projets. D’avancer malgré tout! Je ne lâche rien!

L’artiste plasticien béninois Dominique Kouas dans une interview a évoqué le problème de la piraterie d’œuvres plastiques. Etes-vous aussi confrontée à  ce problème? Que pensez-vous de la piraterie des œuvres plastiques au Benin?
Oui Kouas a raison. Mais ma vision à moi  reste que si on vous copie c’est un compliment. Si ce que vous faites est sans intérêt alors on ne copie pas! Certains s’inspirent  aussi tout simplement… Il faut quand même savoir que celui qui se contente de copier n’a pas de réel
avenir! Ça va un temps et après il va se contenter d’être une copie de lui – même. Il y a beaucoup d’artistes talentueux, qui émergent … Alors les copieurs… Personnellement je n’ai pas ce soucis, certainement dû à ma matière de prédilection la peinture à l’huile… On remarque qu’au Bénin très peu de béninois accordent d’importance à l’art plastique.

Que peut-on faire pour amener les béninois à s’intéresser l’art plastique?
La base de ce manque d’intérêt pour l’art plastique au Bénin demeure l’ignorance. Il faut mettre l’art aux programmes scolaires! Je note quand même un changement sur ces dernières années où l’art plastique prend une place. À la télé dans les quartiers… Il reste à créer une école d’art! Rappeler que l’Art fait vivre les rêves, une vie sans rêves est un désespoir!

Selon vous, le ministère de la culture encourage –t-il assez  les artistes plasticiens?
Je dirai juste NON. J’avoue que je n’ai aucune attente! Je souhaite seulement qu’un jour que le gouvernement représenté par le ministère soit plus à l’écoute des besoins réels des artistes, de façons équitables, et reconnaisse l’importance, la richesse et l’impact de l’Art contemporain.

Parmi les artistes plasticiens béninois que vous admirez, quels noms peut-on retenir? Et pourquoi ?
Georges Adeagbo, Meschac Gaba, Dominique Zinkpè, Fadairo sont des frères Artistes! Des hommes artistes qui soutiennent, qui ouvrent des portes pour une nouvelle génération d’artistes! En l’occurrence soutiennent une femme artiste! C’est immense! Des aînés justes! Je les apprécie, j’aime leur travail! Ils m’apprécient et aiment mon travail! Je collabore avec certains (avec Meschac Gaba sur MAVA et récemment avec Dominique zinkpè dans le Monde de Sica) nous échangeons autant sur nos travaux que sur le monde en général! Nous trinquons en famille d’artistes!

Que peut apporter l’art plastique à une société  pour son développement?
L’art plastique est déjà un développement en soi dans notre société.

Vous avez des conseils à donner à la jeune génération d’artistes plasticiens ?
Je dirai tout simplement que la passion est le premier moteur! Qu’il faut croire en soi, être persévérant,  travailler encore et encore!

Quels sont vos projets pour l’avenir?
Dans l’immédiat une expo collective que j’organise le 4 décembre 2014  à la maison rouge ; une autre solo juste après à Azalai et un long séjour à l’étranger pour d’autres expo…

Un mot pour finir
L’art m’habite autant que je l’habite! Mon héritage coule en moi, coule dans mes œuvres! Mon métissage est ma richesse. Je n’ai pas besoin d’être! Je Suis! Mon Art est! Il fait vivre les rêves! Mon Espoir tout simplement!

Réalisation: Inès MISSAINHOUN (Stg)

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