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Monique Phoba Mbéka, réalisatrice congolaise: « Le cinéma béninois est dans une phase transitionnelle »

Le cinéma béninois est un secteur que Monique Phoba Mbeka connaît bien. La réalisatrice d’origine congolaise, pour avoir passé près de quinze ans dans l’ancien Dahomey est l’un des rares cinéastes du monde qui peuvent parler aisément de cette discipline de la culture du Bénin. Cela, elle l’a prouvé, en quelques mots, au cours d’un entretien qu’elle a accordé à dekartcom le samedi 12 mars 2015 à l’institut français de Cotonou.

Interview

Dekartcom : Bonsoir madame, présentez- vous à nos lecteurs
Monique Phoba Mbeka : Je m’appelle Monique Phoba Mbeka, j’ai 52 ans. Je suis d’origine congolaise. J’ai vécu ici au Bénin pendant plus ou moins 13 ans. J’y ai fondé le festival Lagune Image. J’ai aussi fait des films à propos d’Anna Tèko, les élections qui ont vu le retour au pouvoir de Kérékou après la conférence nationale.

Pour la première fois depuis près de 20 ans de pratique documentaire, j’ai décidé de me lancer dans la fiction avec une première histoire qui s’appelle Sœur Oyo, un court métrage de 24 minutes.

Parlant de votre court – métrage Sœur Oyo, quel est le message qu’il véhicule?
Je crois que nous devons avoir conscience des richesses culturelles qui ne sont pas seulement des richesses culturelles mais des richesses métaphysiques, en termes de connaissance de soi, en termes de résistance des aléas de la vie. Quand nous nous séparons de tout cela, nous nous retrouvons tout faibles et nous nous demandons pourquoi ? Je pense, parce que je suis quelqu’un de la diaspora qui a vécu très longuement à l’étranger, Europe, Asie, Amérique, Afrique bien entendu, qu’on ne se rend pas compte à quel point l’héritage de ceux qui nous ont précédés dans notre famille, notre ethnie, notre communauté est important, pour nous permettre d’affronter la vie, de le faire avec succès.

Pour vous, c’est quoi pour le cinéma ?
Faire du cinéma, c’est raconter en images une histoire, qu’elle soit réelle ou de la fiction.

Le réalisateur d’un film, qui sont ceux qui l’accompagnent dans son travail ?
[Elle sourit]. Il y a tellement de gens que c’est un peu compliqué de les citer tous. Je dirai qu’il y a trois ou quatre phases de production d’un film.

Il y a la phase de pré-production, c’est- à – dire que vous êtes dans l’écriture du film. Soitco- réalisateur ou scénariste ou soit vous récupérez ce qu’un scénariste a écrit.

Une fois que le scénario est connu, le réalisateur et son producteur s’entendent pour réunir une équipe artistique, une équipe technique et une équipe de production.

L’équipe artistique, ce sont bien sûr, les acteurs. On leur fait un casting. C’est- à – dire qu’on leur fait répéter certaines scènes pour déterminer si le rôle leur va ou pas. A la suite du casting, on choisit les acteurs ; les acteurs principaux, ceux secondaires en finissant par les figurants.

Après, il y a l’équipe technique. Nous avons le directeur- photo qui établit le choix d’éclairage, de lumière, d’objectif de la caméra. Ensuite le caméraman qui manipule la caméra ; nous avons l’ingénieur du son qui va prendre les sons ; nous avons les accessoiristes ; le chef- décorateur qui, en principe dirige les accessoiristes. C’est lui qui définit les couleurs, les types de pièces, les espaces et autres. Il y a le costumier qui détermine le vêtement le plus adéquat à la scène et qui se marie au décor choisi par le décorateur.

Tout cela, c’est un travail mais il y a une liste au niveau des techniciens qu’on sélectionne suivant l’importance du film.

Dites- nous ce qui caractérise un bon film ?
Un bon film, celui qui peut le dire, c’est le spectateur ! On dit qu’il faut un bon scénario, qu’il faut que les acteurs jouent bien ; qu’ il faut qu’il y ait le budget pour que les scènes soient habillées de tous les éléments nécessaires. Mais je pense, surtout, qu’il faut que le spectateur soit emporté. C’est- à – dire qu’il ne sait plus qu’est- ce qui est bien ; qu’est- ce qui n’est pas bien. Il s’est juste plongé dans une histoire dans laquelle il se reconnait et qu’il ne veut pas quitter tant qu’il ne voit pas la dernière image. Cela, c’est un film réussi.

Vous avez fait près d’une quinzaine d’années au Bénin. Vous y aviez créé un festival de film. Quel est votre regard sur le cinéma béninois, aujourd’hui ?
Je pense que le cinéma béninois est dans une phase transitionnelle. Il y a énormément de jeunes talents pour le moment qui sortent de l’ISMA. On va dire qu’il y a une sorte de grouillement qui n’a peut- être pas encore suffisamment de fruit. Mais on voit pas mal de réussites, pas mal de personnalités… On a l’impression que les choses sont mieux au Bénin. Il n’y a pas beaucoup de pays qui ont une école de cinéma en Afrique.

Et pourtant, le Bénin, clament certains citoyens du pays, a échoué au dernier FESPACO !
Non, c’est rapide de parler d’échec. Les gens sont assez expéditifs dans leur jugement. Moi, je crois que l’ISMA, donc le Bénin a eu beaucoup de prix dans les éditions précédentes… En Afrique, on est très sévère. Je tiens à le dire parce que je l’ai constaté. On demande énormément en mettant le minimum de conditions.

Un douanier se met à faire une école de cinéma, franchement, c’est déjà un miracle. Il n’a pas lâché au bout de la deuxième, troisième ou quatrième année, c’est encore un autre miracle. Il y a des gens qui sortent de cette école et qui se font remarquer ; le Togolais qui a eu deux prix au FESPACO avec son film Les avalés du grand bleu est sorti de l’ISMA.

Vous êtes une femme et vous vous battez dans le secteur du cinéma. En consultant le catalogue du FESPACO 2015, j’ai constaté qu’il n’y a, jusque- là, aucune femme, Etalon d’or de Yennenga. Qu’es- ce qui se passe ? Les femmes ne travaillent –elles pas ardemment comme les hommes dans ce secteur ?
Oui, les femmes travaillent. Tu sais, parfois, il y a de très grands réalisateurs, on leur donne un prix pour toute leur œuvre. Parce que pendant toute leur œuvre, on ne leur donne jamais de prix. … Pour les femmes, je pense qu’elles font de beaux films au même titre que les hommes. Il y a cette jeune génération qui arrive et qui nous bouscule nous les anciennes, ce qui est bon ! Mais je crois que rien ne sait de courir, il faut partir à temps.

Monique Phoba a-t-elle l’ambition de décrocher l’Etalon d’or de Yennenga un jour ?
Moi, je crois que je suis capable de tout avoir. Si on ne me le donne pas, ce n’est pas grave parce que je sais que je suis capable et je le mérite. L’essentiel n’est pas de courir pour les prix mais c’est d’avoir des films qui nourrissent le public, qui leur font du bien.

Un mot aux femmes du secteur du cinéma
Je crois qu’il y a beaucoup de femmes dans le cinéma. Ce métier est fait pour nous, il réclame beaucoup de ténacités, patience, qualités que les femmes ont.

Merci

Réalisation : Esckil AGBO

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