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Interview à la Sœur Henriette, directrice de la Galerie d’art saint-Augustin « Ma force d’expression se trouve dans l’art plastique »

Religieuse de la famille des sœurs de Saint Augustin du Bénin, Henriette Marie Goussikindey est une artiste plasticienne et responsable de la galerie d’art Saint Augustin. Elle s’est révélée au public en tant qu’artiste peintre  depuis 1994 et a suivi une formation professionnelle en art pour en servir comme support d’expression. Dans cette interview accordée à la plateforme www.dekartcom.net, Henriette Goussikindey parle à cœur ouvert de sa vie artistique avec ses joies et peines.  

Dekartcom.net : Comment l’art est il devenu dans votre vie une passion ou un métier?
Henriette Marie Goussikindey : L’art est d’abord pour moi une voie pour m’exprimer. Je suis naturellement peu vouée à la parole mais ma force d’expression se trouve dans l’expression artistique, dans l’art plastique. En me découvrant je me suis rendu compte que c’est un milieu ou j’ai plus de liberté de dire, de faire, d’agir. Pour moi, l’art est aussi un creuset qui me permet de me découvrir tout en découvrant ma vocation. Cette vocation qui est pour moi une mission, une expression. Je suis une femme de foi, je crois en Dieu. C’est aussi un monde que j’apprécie beaucoup parce que c’est un milieu ou on est plus libre que jamais. L’artiste est le maitre de lui-même. Un monde où je retrouve ma propre personnalité, un monde qui me permet de me connaitre d’avantage ; dans le but de connaitre, d’accueillir et d’accepter les autres. C’est aussi un monde dans lequel j’arrive à cultiver ma maturité psychologique, affective même humaine. L’art me permet de communiquer avec moi et avec l’invisible qu’est Dieu parce que sur le plan de la méditation, de la rencontre de Dieu, de découverte personnelle, l’art pour moi est beaucoup, pour ne pas dire tout.

Quelles sont vos tendances en art plastique, avez-vous spécialité ?
Je suis pluridimensionnelle mais je suis plus spécialisée en peinture. Pluridimensionnelle, pour la simple raison que j’aime donner vie avec mes petits doigts, à mes pensées, à mes désirs, à mes sentiments et même pourquoi pas à mes révoltes. Je donne vie à tout ce qui fait la personne humaine. C’est pourquoi, que ce soit la sculpture, sur la toile, sur le mûr, sur n’importe quel support j’aime me vider, j’aime agir, j’aime me libérer et j’aime passer par ce point pour dire que j’existe.

Quelles sont les œuvres qui vous identifient ?
J’ai peint, j’ai toujours donné vie à des statuettes, à des installations même où j’ai fait une porte du non retour au Cameroun. Autant d’expressions artistiques, je les ai faites des années. Je peux, peut être dire une centaine, même plus. J’ai eu à participer à plusieurs expositions sur le plan collectif et individuel. Mais pour moi le résultat n’est pas la quantité. C’est l’importance que l’art est et reste dans la vie de l’humain, dans la vie d’un peuple, dans la vie d’une race. Et pour moi c’est toute une identité.
Donc je suis actuellement en train de faire des recherches en travaillant sur des techniques de peinture, de la voile, de la gravure. Je suis amenée aujourd’hui à utiliser du pigment naturel pour pouvoir passer à la technique de gravure du bois. La gravure, dans son histoire c’est encrer une plaque déjà gravée et l’imprimer. Mais ici moi j’utilise des boues, des pointes, des fils de fer déjà jetés pour pouvoir creuser dans la toile. Pour moi c’est une manière de creuser ma personne, une manière de me mettre aussi à l’épreuve, de voir de quoi je suis capable. Et en les creusant, j’arrive à me surprendre. Je suis en train de baptiser cette technique « Grarel » qui veut dire « gravure sur pigment naturel ». Donc cette gravure sur pigment naturel me permet de me rendre compte aussi de la richesse de ma terre d’appartenance qu’est le Bénin ; et que c’est possible qu’avec des pigments de chez nous, on peut réaliser beaucoup. C’est utilisé depuis longtemps, par des artistes aussi divers que variés. Mais ma manière de l’utiliser me permet d’expérimenter autres aspects du pigment naturel.

Quelles sont vos initiatives personnelles pour le rayonnement de l’art au Bénin?
Des initiatives, je parlerai de ce que je prénomme la palette béninoise qui n’est qu’un regroupement de femmes artistes béninoises, artistes en devenir dans le but de se servir de l’art pour communiquer, s’exprimer, éduquer parce que je sais combien la femme a cette importance dans les foyers. Je ne suis pas une féministe en train de créer pour la cause de la femme, mais si j’ai voulu insister sur la naissance et la survie de cette idée, c’est parce qu’en tant que femme artiste, je me suis rendue compte lors des ateliers que nous sommes peu. Et sur le plan identitaire, la femme en Afrique est celle qui a plus de valeur, qui est gardienne de nos traditions mais qui s’exprime peu. Je me suis dit que vu mon cas et ce que l’art me permet de m’exprimer, de me libérer, pourquoi ne pas aider d’autres pour qu’elles puissent aussi le faire. C’est simplement ma démarche. Et ma galerie et mes ateliers sont ouverts à tous, femmes, hommes et enfants.

Vos sœurs religieuses sont-elles intéressées par l’art ? Que faites-vous pour les aider ?
Oui, elles sont plusieurs à vouloir faire comme moi mais je vous avoue que c’est un domaine où ce n’est pas facile. Elles le veulent, mais vivre tout ce que j’endure dans ce domaine n’est pas facile. Il y a beaucoup qui tentent de commencer mais elles n’ont pas souvent le souffle de continuer. Mon souhait est qu’elles continuent. Je vous avoue que le domaine artistique surtout au Bénin est difficile et ça dépend de ce qu’on veut en embrassant l’art. Si vous l’embrassez pour avoir de l’argent, être riche et pour avoir l’honneur, je suis sûre que vous vous trompez parce que ce n’est pas évident que vous les retrouverez. Moi je l’ai choisi parce que c’est une manière pour moi de retrouver ma joie de vivre, mon équilibre personnelle, mon amour pour Dieu pour la matière aussi.

Comment conciliez-vous votre vocation de sœur et l’art ?
Ma vocation et l’art plastique sont pleinement conciliables. Dans l’Eglise catholique romaine, l’art n’a pas commencé par moi. Il a été plus apprécié, approuvé et entretenu par l’Eglise. Si nous prenons le cas de l’histoire de l’art, on peut faire référence à tout ce que les premiers chrétiens ont fait, ont créé dans l’art. Et par eux aujourd’hui, l’art a d’ampleur et c’est l’Eglise catholique qui a plus été le pilier des commandes en art. Les Michel-Ange ont créé partout ont reçu des commandes, ont travaillé dans les grandes basiliques. Aujourd’hui, je ne peux pas vous dire que je n’ai pas de difficultés, dans la vie tout n’est pas rose. C’est une joie de m’exprimer en art mais c’est aussi une bataille de tous les jours. Quelque soit le domaine ou la nationalité, la vie est une lutte et ce sont ceux qui luttent qui vivent.

Votre mot de fin.
Je vous remercie ainsi que dekartcom.net. Je remercie tous ceux-là qui croient encore aujourd’hui à l’expression artistique et à sa dimension physique, éducative, spirituelle et humaine. Je remercie aussi tous ceux qui pensent que l’art a des raisons d’être parce qu’aucun peuple ne peut évoluer sans l’art. Et je remercie tous ceux-là qui mettent les bâtons dans les roues de la vie des artistes et pensent qu’ils auront intérêt à faire autre chose que de l’art. Car lorsque vous évoluez dans la vie, vous rencontrez des difficultés, ça vous permet de vous accrocher et de tenir bon jusqu’au bout. Mais quand vous évoluez sans aucune difficulté, ma foi, on ne voit pas le sens de ce qu’on fait. C’est en cela que je les remercie. On continue contre vents et marrées jusqu’à ce que nos forces ne s’épuisent.

Réalisation: Henri MORGAN – Transcription: Brunelle ADEOSSI

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