Bénin: Paul HOUNKPE prend le flambeau de la gestion du ministère en charge de la Culture
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Gouvernance culturelle au Bénin : Ce qu’ambitionne Espéra Donouvossi

« Le renforcement des capacités des artistes et acteurs culturels peut par exemple faire l’objet d’un plan du ministre pour les 10 prochains mois pour garantir une gestion qualitative des projets et festivals et aussi la bonnes gestion des ressources de l’Etat». Cette proposition  est du Manager culturel Espéra Donouvossi.   A la faveur  d’un entretien qu’il a accordé à Dekartcom, vingt – quatre heures  après l’investiture du nouveau ministre,    il évoque les dix priorités de la culture béninoise, les dix prochains mois.  

Le contenu de l’interview, c’est par ici, chers lecteurs ….

Dekartcom : Vous avez constaté, comme tous les acteurs culturels béninois, la nomination de M. Paul Hounkpè, maire de la commune de Bopa, à la tête  du ministère de la Culture. Dites- nous vos impressions à chaud.

Espéra Donouvossi : C’est parce que nos dirigeants ne maîtrisent pas la complexité, la technicité, le caractère holistique  et l’importance de la culture dans le processus du développement que ce département a toujours été géré de cette façon. Sinon ce ministère devrait  être pris un peu plus au sérieux comme celui de l’enseignement supérieur ou de la santé où il devrait y avoir un petit souci d’y mettre un spécialiste par moments. Toutefois, nous espérons qu’en 10 mois    Monsieur  Paul Hounkpè saura écouter, identifier les besoins et y apprendre pour servir la cause culturelle.

Quelle est votre  position par rapport à cette  nomination ?

Qui suis-je pour avoir une position particulière ?  Le chef de l’Etat démocratiquement élu confie le département ministériel à quelqu’un qui lui a été  toujours  fidèle. Malheureusement, je pense que la gestion des arts, de la culture et du développement de nos langues nationales ne doit pas se faire sur fond  purement de récompense politique.  Nous avons toujours pensé et soutenu que l’autorité en charge du ministère devrait y voir un peu de connaissance du domaine. Cependant, nous ne pouvons que souhaiter beaucoup de patience, d’écoute et de succès au niveau ministre. Chaque acteur devra continuer à jouer le rôle qui est le sien.

Dix mois pour  donner un nouveau  souffle à l’environnement culturel du pays. Pensez- vous que cela est  possible ?

A priori, on peut estimer que 10 mois, c’est peu pour un impact. Néanmoins dans le contexte actuel où le secteur souffre de tous les maux à savoir la division, la mauvaise gestion, le clientélisme et la brimade des vrais artistes et acteurs au détriment du copinage, du favoritisme, de la promotion de la médiocrité et des vendeurs d’illusions, on peut dire que 10 mois peuvent servir à quelque chose  s’ils sont vraiment mis à contribution pour l’assainissement et la planification stratégique du secteur.

Espérez- vous quelque chose de grand pour la culture béninoise les dix prochains mois ?

En effet, en dix mois, on peut quand même faire beaucoup de choses. La première chose, c’est de  faire un état des lieux, auditer la gestion du secteur.  Ceci devrait être fait par des évaluateurs externes avec des méthodologies bien définies. C’est cette évaluation qui permettra d’analyser l’outil de gestion afin de le renforcer où besoin sera.

Ce que j’espère de grand pour la culture, c’est faire reconnaitre au gouvernement l’importance de la culture dans le développement durable du Bénin et le faire comprendre à tous les acteurs du secteur. J’espère aussi une redéfinition stratégique pour le développement et la promotion des entreprises et industries culturelles. Si cette base peut être mise et que les différents acteurs en deviennent défenseurs, rien ne permettra aux  politiques suivants de s’en passer.

Que reprochez- vous à la gouvernance de la culture au Bénin ?

Paul Hounkpè, Ministre béninois de la Culture, de l'Alphabétisation, de l'Artisanat et du Tourisme/ Crédit Photo: Dekartcom

Paul Hounkpè, Ministre béninois de la Culture, de l’Alphabétisation, de l’Artisanat et du Tourisme/ Crédit Photo: Dekartcom

La gouvernance folklorique du secteur. Les différentes autorités politiques du Bénin n’ont jamais considéré la culture comme un pourvoyeur d’emplois. Ils n’ont jamais pensé un jour à conduire une recherche pour évaluer combien de jeunes s’auto-emploient à travers les activités artistiques et culturelles, l’apport de la culture au PIB.  Ils ignorent complètement que la culture s’impose pour un système éducatif performant et aussi pour le renforcement de la démocratie. La culture est un média de langage universel avec un impact rapide et visiblement identifiable.

Paradoxalement, c’est pour cela que presque tous les politiciens font appel aux artistes quand ils ont besoin de communiquer avec un large public et faire passerun message clé..

Au moment où on exige à certaines entreprises de respecter   certaines normes légales et professionnelles avant d’opérer ou d’opérer en respectant certaines réglementations en vigueur au Bénin, en culture n’importe qui peut monter un dossier du jour au lendemain. Quelle que soit la médiocrité du dossier ;  il suffit d’avoir des entrées au ministère ou au Fonds d’Aide à la Culture et il peut se faire offrir des millions dont la gestion ne respecte aucune norme financière ni à des règles de finances publiques.

Sur un autre plan, on finance les mêmes projets culturels sur plusieurs années sans jamais demander leur impact dans le pays.  C’est pour cela que le milliard ou le trilliard culturel peine à convaincre de son efficacité sur le secteur.  Le milliard culturel se consomme juste sans convaincre aucun investissement culturel à cause de cette gouvernance.

Vous proposez quoi pour plus de vitalité du secteur ?  

Comme je l’ai dit plus haut, c’est d’abord l’état des lieux et des études d’évaluation selon la bonne méthodologie professionnelle et transparente.  A la base de cette évaluation,  il faut associer des professionnels pour faire des propositions d’assainissement. Auditer les reformes en cours pour le secteur et convoquer les états généraux de la culture et des arts afin de recueillir des propositions, les préoccupations à soumettre à des spécialistes de planification stratégique. Il faudra aussi évaluer l’impact de tous les projets culturels qui ont bénéficié de subventions de l’Etat, contrôler la conformité de leur gestion par rapport aux règles des finances publiques au Bénin. Ceci permettra d’améliorer le niveau de gestion des subventions allouées à la culture. Ce qui manque au secteur de la culture, ce ne sont pas les hommes, les talents, la créativité, les moyens financiers mais c’est le manque du personnel qualifié qui comprend le mode de fonctionnement des programmes de développement et aussi qui comprend la dimension culturelle du développement durable.

Pendant les dix mois, on peut renforcer la politique culturelle polémique actuelle par un plan stratégique biennal ou triennal avec une planification budgétaire appropriée et les résultats attendus clairement définis.

En 10 mois, on peut aussi améliorer la méthode de communication et d’information entre l’autorité et les acteurs. A l’heure des TICs, il est inconcevable que la seule méthode privilégiée de communication reste la poste. Le service d’information et de communication du ministère doit créer une base de données de tous les acteurs culturels selon le Statut de l’artiste et assurer une communication permanente entre les différentes parties prenantes.

Sur un autre point, je propose que le nouveau ministre se fasse une idée sur tous les engagements internationaux pris par la République du Bénin en termes de développement  de la culture. Beaucoup de conventions internationales ont été signées, adoptées et ratifiées comme par exemple la Convention 2005 de l’Unesco sur la diversité culturelle qui ne se voit transparaître dans aucun document de travail public.

Enfin, je propose qu’il faille multiplier les projets de formation et de renforcement de capacités à tous les niveaux de la gestion de la chose culturelle au Bénin. Former les cadres et travailleurs du ministère aux règles de gestion administrative, aux notions de planification, de suivi et évaluation et surtout à des notions clés comme dimension culturelle du développement, industries créatives, entreprises culturelles , économie créative,  durabilité… Le renforcement des capacités des artistes et acteurs culturels peut par exemple faire l’objet d’un plan du ministre pour les 10 prochains mois pour garantir une gestion qualitative des projets et festivals et aussi la bonne gestion des ressources de l’Etat

Vous souhaitez ajouter quoi pour conclure cet entretien ?

La culture est la solution  et il faut vraiment repenser ses outils de gestion afin de mettre en place des entreprises et industries culturelles qui contribuent au développement social, humain et économique. Le jour où les autorités politiques comprendront cela et mettront en place des mécanismes appropriés en place. C’est ainsi qu’on peut créer des emplois  permettre l’autonomisation des acteurs culturels et des entreprises culturelles, une diplomatie culturelle comme « soft power » pour l’image du Bénin, pour ne citer que ceux-là.

Réalisation :Esckil AGBO

 

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