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Fonds de bonification_ Franck Komlan Ogou : «Quatre banques recevront les artistes »

Dans cette interview qu’il nous a accordée, le spécialiste en montage et gestion de projet, Franck Komlan Ogou nous parle largement du fonds de bonification que le gouvernement béninois s’apprête à mettre en place dans le secteur culturel. Il est notre invité de la semaine.

Entretien…

Dekartcom.net : Quelle analyse faites- vous du système de financement des activités culturelles au Bénin ?
Franck Komlan Ogou : Le mécanisme de financement des activités culturelles au Bénin n’est pas très différent de ce qui se passe ailleurs dans les pays africains. Seulement qu’ici, l’Etat est plus financeur que les privés pour la simple raison que nous avons un système juridique qui ne favorise pas que le privé finance les activités culturelles.

Il y a très souvent les institutions de coopération, les ambassades qui viennent appuyer les acteurs culturels mais c’est rare de voir au Bénin des privés, des entreprises privées soutenir les activités culturelles. C’est une faiblesse qu’on constate tous les jours et sur laquelle il faudra se pencher et mener des réflexions.

Toutefois, je voudrais rappeler qu’il y a quelques années, un député, l’honorable Ganiou Soglo a fait une proposition de loi sur le financement de la culture. Dans les grands pays, l’Etat n’est plus le plus gros bailleur des activités culturelles. Ce sont les privés.

En quoi ce cadre juridique est nécessaire ?
C’est nécessaire parce que l’Etat a plusieurs priorités. Et très souvent, dans les pays africains, la culture n’est pas la priorité des dirigeants. Je pense qu’espérer que l’Etat soit le seul financeur des activités culturelles serait utopique. Il faudrait alors travailler pour profiter du secteur privé. Pour moi, on devrait beaucoup plus travailler sur la question de l’environnement juridique par rapport au financement du secteur culturel.

En 2007, dans le cadre d’un travail que nous avons fait à travers un projet de l’Union Européenne, on avait demandé aux acteurs culturels d’engager des réflexions sur cette voie. Mais vous constatez avec moi que rien n’a été encore fait dans ce sens. Nous avions parlé de la défiscalisation des produits artistiques : instruments de musique…, de la particularité des entreprises culturelles. C’est vrai qu’il y en a pas beaucoup mais nous, on a pensé qu’on ne devrait pas traiter les entreprises culturelles de la même manière qu’une entreprise ordinaire. On les taxe au même titre que les entreprises comme une fabrique de pains. Alors que l’entreprise culturelle est une filière qui a besoin des conditions particulières. Donc, il y a tellement de choses sur lesquelles, on devrait travailler, réfléchir et faire de lobbying mais vous constatez qu’on se bat beaucoup plus pour les poches.

Qu’est ce que vous savez du fonds de bonification que le gouvernement béninois s’apprête à mettre en place ?
(Il sourit) Pour être sincère, je dois avouer que j’ai eu la chance de diriger l’équipe des experts qui ont fait l’étude de faisabilité de la mise en place du fonds de bonification des projets culturels. C’est un mécanisme imaginé par l’actuel régime pour soutenir le secteur de la culture et des arts. L’Etat ne sera plus en mesure de financer toutes les activités culturelles, encore qu’il ne finançait pas toutes les activités. C’est un fonds qui a pour ambition d’encourager la production artistique et culturelle.

L’Etat se propose de prendre en charge les intérêts sur les crédits que les acteurs culturels iront faire dans les banques. Par ce dispositif, il entend encourager les acteurs à aller vers les banques. L’objectif est donc de conduire les acteurs culturels à devenir de vrais opérateurs culturels.

C’est vrai qu’on peut se dire que l’ambition est trop grande. Pour la réaliser, il faut du temps. Mais il faut déjà commencer quelques parts.

C’est pourquoi nous avons fortement encouragé l’Etat à mettre en place ce fonds. Il y a des banques qui ont été déjà sélectionnées. Il revient aux acteurs d’aller vers ces banques. Je crois que d’ici à là, les autorités vont publier la liste desdites banques.

Vous savez que pour aller vers les banques, il y a la garantie et la qualité des projets que le demandeur a sur lui. Les banques étant très frileuses sur les projets culturels, l’Etat, pour les rassurer passe un contrat avec elles. Il s’agit au total de quatre banques qui seront prêtes à recevoir avec les artistes.

En termes de garantie, l’Etat a la possibilité de négocier auprès d’autres institutions sous- régionales, notamment la BIDC qui l’apporte. Ce sont des crédits à taux zéro. Cela veut dire que l’artiste prête cent francs, il rembourse cent francs.

Dans sa phase pilote, le fonds de bonification est destiné aux entreprises culturelles. C’est-à-dire aux acteurs qui sont dans l’industrie culturelle, la production, la vente….

Par contre pour les produits non marchands, nous avons proposé la mise en place d’un fonds de développement des arts et cultures au sein duquel il y aura plusieurs guichets. Le premier s’occupe de l’accompagnement des industries et entreprises culturelles vers les banques. Il y a un guichet social qui concerne les porteurs de projets non marchants (création, événements). C’est-à-dire des projets qui n’ont pas d’impacts économiques directs. Le troisième guichet sera exclusivement dédié aux formations. Je précise qu’il y a des conditions d’éligibilité à l’un ou l’autre guichet.

Vous croyez qu’avec l’environnement béninois, l’acteur culturel peut faire de prêts et parvenir à rembourser même sans intérêt ?
Je pense que c’est parce qu’on ne fait rien qu’on pense que c’est impossible. Si dans les pays comme le Burkina Faso, le Togo, les gens sont en mesure de prendre de l’argent pour acheter de billet et aller au spectacle, pourquoi le Bénin ne pourra pas le faire ? On peut le faire, c’est parce qu’on n’a rien essayé qu’on pense que c’est impossible.

Je crois aussi que c’est parce que les acteurs culturels n’ont pas encore eu la chance d’expérimenter d’autres mécanismes, qu’ils s’accrochent au fonds d’aide à la culture. Ayons le courage de nous engager dans les nouvelles réformes. Je suis certain que ce mécanisme marchera.

Ce que je reproche au ministère, c’est qu’il ne communique pas ; ses responsables ne prennent pas le temps de bien expliquer les réformes aux acteurs culturels.

Il faut que le ministère mette en place un vrai cadre de concertation avec les artistes.

Réalisation : Esckil AGBO, @Dekartcom.net, juillet 2017

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