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Cheick Tidiane Seck : « Je continuerai d’être rebelle dans l’exercice de mon art »

Né à Ségou le 11 décembre 1952, il a grandi à Sikasso. Peu avant les années 70, il fit son entrée à l’Institut National des Arts de Bamako où il a, simultanément fait ses armes en peinture et en musique. Pourvu d’une renommée planétaire, l’homme a connu une carrière très riche et peut se vanter d’avoir accompagné sur scène plusieurs vedettes mondialement magnifiées dont Jimmy Cliff. C’est un artiste malien, marqué par la simplicité, passionné du clavier, amoureux du travail bien fait et souvent rebelle. Son nom est Cheick Tidiane Seck. Il est l’invité du 3ème numéro de notre rubrique L’Entretien de la Semaine.

Lisez…

Dekartcom.net : Bonjour Cheick. Vous êtes artiste- musicien malien, célèbre au clavier avec une carrière bien riche. Veuillez- nous parler de vous.
Cheick Tidiane Seck : (Il sourit). Je m’appelle Cheick Tidiane Seck , né le 11 décembre 1952. Je suis panafricaniste de l’art. J’avais déjà trois ans de solfège au couvent avant d’aller à l’institut des arts. Et comme j’étais doué en peinture, j’ai choisi la peinture tout en continuant de faire du piano.

Je suis pour l’excellence de l’art. L’artiste doit se créer d’abord sinon il y aura du tâtonnement. Je suis tellement exigeant avec moi-même… J’ai été porteur de carrière de pas mal d’artistes, certains qui sont dans mes aînés. J’ai travaillé pendant plus de 20 ans pour les multinationalistes. Je suis présent sur les festivals référents. Les plus gros festivals au monde me sollicitent…

Vous en êtes fier sans doute. En dehors de la musique, Cheick a –t-il d’autres occupations ?
On dit que les artistes ou certains artistes n’arrivent pas à vivre de leur art. Moi, tout en étant saltimbanque, je me suis arrangé et j’ai droit à une retraite en tant qu’artiste. Je ne vis pas d’autres choses. J’ai droit à mes congés de spectacles comme n’importe quel autre artiste en France.

Pourquoi la France ? Le Mali ne vous offre –t-il pas cette opportunité ?
(Il reste un instant silencieux). On peut être plus structurés. On dit qu’il n’y pas de budget pour la culture mais des milliards sont distribués et on n’en voit pas les couleurs. L’Afrique toute en entière peut redéfinir le système de gestion de son secteur culturel.

Vous pensez que cela est possible dans un environnement où tout le monde veut être artiste, notamment musicien ?
Je vois mes enfants traverser le pont avec des guitares sur le dos, j’en pleure. Moi, je ne tacle pas la jeune génération. Elle mérite qu’on lui donne de l’espoir. On doit amener les jeunes à croire en ce qu’ils font ; ils n’ont pas besoin de se clacher, ils n’ont pas besoin de se donner en spectacle avant d’avancer. Ils doivent s’inspirer de ce qui existe déjà, de ce qui a été pour créer demain.

Cheick Tidiane Seck, celui qui vous connaît et vous côtoie se rend- compte que vous êtes un artiste simple, humble. Pourtant on vous qualifie de rebelle. Pouvez- vous démentir cela ?
Il y a le fils d’un grand acteur français qui a été censuré en France parce qu’il a composé un morceau appelé Françafrique. Le contenu de ce morceau est trop vrai mais il dérange et ils l’ont censuré. Moi j’étais contre cela. On trouve que je suis toujours dans la contestation. Non le message est clair. Pourquoi est- ce que l’artiste ne peut pas être porteur de message ? Est-ce que tout le monde doit caresser la bête dans le sens du poil ? Je crois que non. Je continuerai à pérenniser mon art. Le jour où je vais tirer ma révérence, je dirai que j’ai essayé. Cela est très important pour moi.

Vous avez un parcours immensément riche. Cela vous a-t-il valu des distinctions, notamment dans votre pays ?
Ma décoration, c’est Aimé Césaire qui me l’a donnée, c’est Manu Dibango qui me l’a donnée. C’est les Etats – Unis qui me l’ont donnée parce que je suis ‘’Visiting professor’’ là – bas. Pas dans mon propre pays. Je suis très mal loti dans ce pays. Je remercie au passage Mamou Daffé qui m’a fait parrain du festival sur le fleuve Niger. Mon pays ne m’a jamais donné quoi que ce soit et je ne regrette rien.

Manou Dibango me cite parmi les trois plus grands maestro de l’Afrique. Venant de lui, c’est que j’ai eu une autre médaille. Ce que Césaire m’a dit, lorsque vous allez parcourir mon passé, vous vous rendez compte que cela aussi mérite une décoration.

Je suis ‘’Visiting professor’’ aux Etats – Unis dans une université qui a 40.000 étudiants. Pour la réconciliation du peuple togolais, j’ai dirigé 300 musiciens dans leur stade en 2006. J’ai fait jouer près de 500 musiciens au Niger. Mais dans mon propre pays, il y a un conservatoire qui ne m’a jamais invité pour un seul master class… Mon pays voit en moi quelqu’un qui n’est pas là. Je ne suis peut- être pas là mais je porte haut, très haut les couleurs de mon pays.

Je continuerai d’être rebelle dans l’exercice de mon art. Le panafricanisme doit commencer maintenant. Ce n’est pas demain.

Quel est votre vœu pour une Afrique culturelle prospère ?
Je ne perds pas espoir. Je pense que nous devons fusionner nos efforts. Il nous faut la fusion et la tolérance. Nous pouvons accepter tout mais avec discernement. Ainsi on ne viendra pas tout le temps nous pondre des pseudos experts. Tel est expert en musique bantou… tel est expert…

Non…non, nous avons nos experts. Que ceux qui sont des opérateurs culturels viennent se mélanger à nous pour qu’on construise un langage universel, musical, théâtral pour la postérité.

Réalisation : Esckil AGBO

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