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Bénin : La danse n’est pas encore  vue comme une profession  

  «Les gens ont du mal à accepter la danse comme profession ».  Cette déclaration est de la danseuse  béninoise, directrice artistique et chorégraphique de la  compagnie « Walô », Rachelle Agbossou.  Au cours d’un entretien qu’elle a accordé à Dekartcom,    elle livre ses impressions sur cette passion qui la berce depuis son plus jeune âge. Selon ses explications, au Bénin, la danse n’est pas encore  considérée comme un métier, lequel peut nourrir son homme. 

 Lire ici l’interview

Dekartcom : On vous connaît en tant que danseuse professionnelle. Pourquoi avoir choisi la danse?

Rachelle Agbossou : Je ne sais pas si j’ai choisi la danse. Je pense que c’est plutôt la danse qui m’a choisie. J’étais partie pour être professeur d’anglais à l’Université ou interprète après ma maîtrise en anglais. Mais maintenant je ne fais que la danse. Ma passion pour la danse a permis cela. Déjà toute petite, je m’amusais avec la danse, un jour après un spectacle avec l’Eace (l’Ensemble Artistique et Culturel des Etudiants), on m’a invitée à intégrer l’Ensemble Artistique Nationale du Benin. C’est en 2000 que j’ai commencé en tant que danseuse professionnelle, et depuis je n’ai plus quitté cette profession.

Quel genre de danse faites-vous et comment se pratique-t-elle ?

Actuellement le genre dans lequel ma compagnie et moi sommes spécialisées est la danse contemporaine que j’appelle danse de création. C’est un style de danse où l’expression du corps est assez présente ; on explore tout ce qui est possible  au corps, physiquement, tout ce qu’il faut autour de nous. On y incorpore toutes sortes de danses traditionnelles du Bénin, danses européennes, classiques, le break dance… On y associe également d’autres formes artistiques telles que la peinture, le théâtre, la chanson, le rap… On les assemble pour créer de nouvelles choses.

C’est quoi la danse pour vous ?

Pour moi, la danse est un ensemble de mouvements, de gestuellesqu’on applique au corps, qu’on soit handicapé ou non. On exécute des pas qui  répondent à une rythmique silencieuse ou bruyante tout en y ajoutant de l’esthétique.

Comment se porte la danse au Bénin?

Bien, je pense. Il y a beaucoup de troupes, de danses traditionnelles, de ballets. Au nombre de ceux-ci on, peut citer les Supers  anges, les As du Benin,  Kondodo et  quelques compagnies de danses : telles que Walô, Multi-corps, Richard Adossou, Ory dance club…  Il faut dire que les danseurs continuent de travailler, ils font beaucoup d’efforts. La création existe mais la diffusion ne suit pas.  Alors, quand  elle est comme ça, c’est vraiment difficile, délicat et paradoxal, donc un manque à gagner pour nous qui l’avons choisie.

La danse arrive-t-elle à drainer autant de monde que la musique ?

Non, parce qu’au Bénin, la musique existe, il y a longtemps comme profession. Ce qui n’est pas le cas de la danse. Les gens ont du mal à accepter cela en tant que profession. Pour le commun des Béninois, on ne peut être danseuse sans être chanteuse. Ils ne conçoivent pas encore qu’on peut créer des chorégraphies et produire des œuvres artistiques, juste en matière de danse.   Il faut néanmoins noter que progressivement cela  vient car de plus en plus, ils assistent aux spectacles de danse. Le nombre qui venait suivre les spectacles  de  ‘’Walô’’ en 2005  a augmenté  progressivement en  2014. Mais ailleurs elle est plus en avance.

Rencontrez-vous des difficultés dans l’exercice de votre métier ?

Il y a des problèmes d’infrastructures qui se posent, des problèmes de diffusion qui rendent difficile la création. Plus on diffuse, plus on fait des spectacles, plus on a à gagner. Il y a également le manque de studios pour s’entraîner. Et les quelques salles qui existent sont en béton, ciment ou en carreaux, ce qui ne facilite pas la tâche aux danseurs. Cela doit être fait avec du bois pour éviter que les articulations en souffrent, pour contrecarrer les problèmes de genoux, de colonnes vertébrales, de reins… L’absence de  reconnaissance  de la danse sur le plan national demeure car nos gouvernements ne militent  pas pour nous. Nous faisons de notre mieux  avec les moyens dont nous disposons pour continuer car  la danse est pour nous une passion. Alors nous travaillons avec les enfants, les amateurs pour qu’ils puissent prendre la relève demain. En ce qui me concerne, moi je n’arrêterai jamais la danse,  même  dans la vieillesse, je continuerai comme le font Germaine Akogni et Koffi Koko qui ont  plus de 60 ans mais qui  dansent toujours.

Beaucoup de jeunes aspirent à la danse. Quels doivent être le profil, les aptitudes d’un bon danseur ?

Il n’y a pas d’aptitudes pré-requises,l’on peut être gros, mince, etfaire de la danse.L’essentiel c’est d’être léger. Cependant la formation est très importante. Sans elle, on ne peut dire qu’on est danseur ou quoique ce soit, quel que soit le domaine. Il faut se former, c’est nécessaire pour l’acquisition des connaissances, le perfectionnement de son talent, pour sa propre évolution. La constitution physique, le mental, la volonté d’apprendre et d’écoute ne sont pas  négligeables, surtout l’humilité. La pratique et le sport quotidiens sont indispensables. S’étirer chaque jour est primordial. Cela permet d’être constamment prêt pour des portées ou des acrobaties avec ou sans improvisation.

Où peut-on se former en matière de danse au Benin?

Au Benin, nous n’avons pas des écoles de danses. Mais comparativement aux années antérieures (2009), aujourd’hui il y a des groupes tels que « walô » qui organisent des ateliers de danse où l’on peut se former. L’on apprend  plus sur le tas. Cependant le mieux serait de le faire ailleurs, au Nigeria, Burkina-Faso, Togo où  ils sont plus en avance dans ce métier. Je me suis formée à l’EACE, ensuite sur le tas et mon parcours dans le ballet national m’a été d’un grand secours. Il faut dire que j’ai beaucoup collaboré avec la compagnie de renom ‘’Eddy Malem’’ où j’ai travaillé jusqu’en 2012 à travers des voyages, ce qui m’a permis d’améliorer mes prestations, d’acquérir de nouvelles performances.

Qui dit danse, dit musique nécessairement. Quelle analyse faites-vous de la musique au Bénin ?

Beaucoup d’efforts sont faits au niveau des artistes. Malheureusement certains ne font rien. Et l’imitation n’est pas le propre du Béninois. C’est dommage qu’on ne puisse pas entretenir et cultiver ce qu’on a créé comme le  ‘’noudjihou’’ par exemple. Il est vraiment  temps que nos chaînes fassent des sélections afin que nous ayons droit à la bonne musique quand nous les captons. Nos artistes peuvent mieux faire, vu le potentiel dont ils regorgent pour qu’il y ait une véritable propagande et une grande exportation dans le pays et ailleurs. La formation est obligatoire pour être un artiste accompli.

Quels sont vos projets ?

‘’Wâlo’’ a beaucoup de rêves, bon nombre de projets. Nous avons une tournée avec Abms-Psi pour faire connaitre les centres de jeunes ‘’Amours et Vie’’ et tout le travail qu’ils font. Un projet de danse pour parler de la santé de la reproduction et sur les violences sexuelles. Nous allons aussi faire un flash mob, c’est à dire des spectacles surprises dans des collèges de Cotonou, Abomey-Calavi, Dangbo, Dassa, Savè, Parakou, Djougou… Des formations de danse en partenariat avec la fondation hollandaise «Le Grand», ainsi qu’un atelier de formation avec des jeunes collégiens dans une sorte de compétition où les jeunes imagineront des histoires qu’ils raconteraient à travers des écrits et des chorégraphies sur des faits qu’ils ont vécu en amour. Tout cela sera en accord avec toujours le thème de la reproduction et des violences sexuelles.  .

   Réalisation: Akouavi Inès MISSAINHOUN  &  Carmel AHEHEHINNOU (Stags)

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